Pourtant, dire que
le fait que Marie, à sa mort, est préservée de la dégradation et la
putréfaction du tombeau, en montant au ciel avec son âme et son corps, n’a rien
de formidable au sens où cette montée serait un spectacle là précisément pour
nous émerveiller. Car cela sous-entendrait que nous ne serions que les
spectateurs à la fois ravis et béats de la faveur accordée à la Vierge Marie,
et dont nous nous sentirions en quelque sorte étranger. Il est vrai que Marie
que nous vénérons comme la Mère du Sauveur, avec tous les titres encore que la
piété et la dévotion lui ont attribué au fil des siècles, est digne d’un tel
traitement. Elle, choisie par Dieu dès l’origine, a été parfaitement en
harmonie avec volonté de Dieu : « que tout se passe pour moi selon ta
Parole ! ». Spectateurs encore désarçonnés devant le paradoxe qui
traverse l’Histoire entre le « sanctuaire de Dieu » révélé par le visionnaire
de l’Apocalypse et le mystère d’un mal qui se déchaîne et qu’évoquait la figure
du dragon. Ce mal semble tout précipiter à sa perte, jusqu’à ce qu’il ne reste
plus rien. Et la seule solution est, au moins dans l’Apocalypse, la fuite au désert,
donc loin de tout, là où Dieu lui a préparé une place. Mais devant ces luttes
acharnées entre le Bien et le Mal, la vie surgit et avec elle la promesse
éternelle de Dieu : « un enfant nous est donné ».
Entre ce bas-monde
et le ciel, entre ces deux points, la victoire de Jésus, en sa mort et sa
résurrection, vient dessiner une ligne. Et nous le savons : une ligne ne
peut exister qu’entre deux points. Là encore, nous serions tentés de nous extasier
tout en nous raisonnant. Formidable. Dieu ne peut se résigner à ce que son Fils
échoue. Jésus, dans sa fidélité au Père, traverse les frontières de la mort et
dépasse toutes les entraves terrestres dans lesquelles la queue du Dragon, de l’auteur
du Mal, prendrait plaisir à l’y précipiter. C’est chose faite : la
communication est rétablie entre ce monde le monde de Dieu. Pourtant elle n’est
pas une voie réservée au Fils de Dieu qui, unique, l’aurait empruntée dans le
contentement divin. Si cette ligne est tracée, c’est pour que nous l’empruntions
à notre tour, pour ne pas laisser nous laisser en spectateurs sur le bord du
chemin. Saint Paul affirmait : « le Christ est ressuscité d’entre les
morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis. » De fait,
la résurrection de Jésus appelle une suite.
Il est donné à
Marie, la première, de vivre pleinement de la grâce de la résurrection, car
elle a cru « à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la
part du Seigneur ». Non seulement sa mort terrestre, physique, biologique,
ne la coupe pas de Dieu, elle qui a vécu toute son existence dans la parfaite
proximité avec Lui, mais son corps aussi n’est pas atteint par les outrages du
temps. Préservé, il est élevé dans la gloire du ciel. Ce corps insigne a porté
le Sauveur et l’a donné au monde. En Marie, le Verne s’est fait chair, au point
que Jean-Baptiste le reconnaisse dans le ventre de sa propre mère. Il
tressaille d’allégresse. Formidable, n’est-ce pas ? Pourtant, l’assomption
de Marie n’est pas un privilège insigne accordé à la mère de Jésus et dont,
nous, évidemment, nous serions privés. C’est justement parce que Marie est une
fille d’Israël, qu’elle a partagé en tout notre humanité, que ce mystère nous
concerne. Encore formidable et merveilleux.
En quoi l’assomption
peut-elle nous concerner ? Dans la résurrection de Jésus, un chemin est
tracé pour que nous ayons accès à l’intimité de Dieu et qu’en vérité nous puissions
nous situer face à Lui comme des enfants devant un Père aimant. Marie est la
première à emprunter cette route. « Elle guide et soutient l’espérance [du]
peuple [de Dieu] encore en chemin » (préface). C’est-à-dire qu’elle ouvre
la marche pour que nous lui emboîtons le pas par une vie à l’écoute de la Parole
de Dieu, par une vie docile et confiante en la volonté de Dieu, par une vie de
joyeuse réponse à la Bonne Nouvelle de l’Evangile. Ce sera formidable et
merveilleux.
AMEN.
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