La question posée à
Jésus par les pharisiens revient à plusieurs reprises dans l’Évangile, elle n’a
pas toujours le même sens selon les personnes qui la posent. Pour les uns il
s’agit vraiment de demander au Christ quel est le meilleur chemin pour répondre
à la volonté de Dieu, pour d’autres il s’agit de le mettre dans l’embarras.
Pour les pharisiens, l’évangile de saint Matthieu prend soin de rapporter cet
épisode après une discussion entre Jésus et les sadducéens. Il y a
confrontation entre deux écoles : l’école des sadducéens et l’école des
pharisiens. Le pharisien qui pose la question à Jésus veut faire ressortir la
supériorité de sa tradition par rapport à celle des sadducéens. Mais la
tradition des pharisiens était entrée dans un tel raffinement pour l’exégèse de
la Loi reçue par Moïse au Sinaï qu’on en venait à y perdre son latin… ou plutôt
son hébreu.
Ainsi, la question
de savoir quel est le plus important des commandements est une question très
réelle pour les pharisiens. Parmi ces six-cent-treize commandements, lesquels
devaient être observés par priorité par rapport aux autres ? La réponse du
Christ n’est pas très originale, il reprend le premier des Dix commandements :
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de
tout ton esprit » (Mt 22,37). Et il y ajoute le second commandement, aussi d’origine
biblique: aimer son prochain comme soi-même (Mt 22,39). De là découlent tous
les autres, de sorte que, si le pharisien veut vraiment avoir un point de
repère pour savoir comment discerner ce qui est le plus important, il lui
suffit de se rapporter à ces deux commandements. Mais il est bien évident que
ce que Jésus répond aux pharisiens vaut aussi pour nous.
Qu’est-ce qui est le
plus important pour être chrétien ? Quand nous examinons notre vie et que nous
réfléchissons un peu, nous nous apercevons que nous avons quantité de petites habitudes,
de petites pratiques qui se sont développées au cours de l’histoire de notre
propre vie et qui viennent petit à petit comme brouiller la ligne claire de ce
qui est le plus important. Qu’est-ce qui est le plus important ? Aimer Dieu de
tout son cœur, aimer son prochain comme soi-même. Ce qui a été justement perçu
comme quelque chose de tout à fait original dans la réponse du Christ, c’est la
conjonction de cet amour de Dieu et de cet amour du prochain, non pas comme
s’il s’agissait d’ajouter un second commandement - comme si l’amour de Dieu
n’était pas suffisant en lui-même - mais parce que, et nous le découvrons à la
lumière de la lecture du livre de l’Exode, si l’on veut être fidèle à Dieu, si
l’on veut aimer Dieu et si l’on veut vivre dans son alliance et observer ses
commandements alors cela conditionne une manière de vivre avec les autres.
Autrement dit, la
foi en Dieu, l’adoration de Dieu s’expriment dans notre manière de nous
comporter avec les hommes. Comme saint Jean le dit dans une de ses épîtres,
aimer Dieu qu’on ne voit pas, cela n’est pas très difficile, mais si on dit
qu’on aime Dieu qu’on ne voit pas et que l’on n’aime pas son frère que l’on
voit, alors on est un menteur (1 Jn 4,20). Dire que nous avons foi en Dieu,
cela ne coûte que l’effort de le prononcer. Dire que nous croyons en Dieu, nous
l’exprimons parfois par notre prière, mais traduire cette foi en Dieu dans une
manière de nous comporter avec les hommes, avec nos frères, c’est regarder
notre attitude à l’égard des autres comme l’élément constitutif et expressif de
la relation que nous voulons entretenir avec Dieu. L’amour porté à Dieu s’incarne
et se vérifie dans l’amour du frère, comme Dieu lui-même a décidé de révéler
son amour en devenant homme parmi les hommes.
En la personne de
Jésus, dans l’humanité de Jésus, c’est toute l’humanité qui est comme exprimée
de façon symbolique, si bien que le commandement de l’adoration et de l’amour
de Dieu ne fait plus qu’un avec l’appel que Dieu nous adresse d’aimer nos
frères.
AMEN.
Michel Steinmetz †
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire