Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et il
les emmène sur une haute montagne. Ils le connaissent maintenant assez bien.
Ils ont entendu une grande partie de son enseignement, ils ont vu les miracles
qu’il a accomplis. Ils savent que c’est un homme qui parle avec autorité, qu’il
peut guérir les malades et expulser les démons. Ils trouvent profond et
convaincant son enseignement. Tout cela explique pourquoi ils continuent à le
suivre : c’est un homme qu’il vaut la peine de suivre. Mais qui est-il vraiment
? Est-il plus qu’un prophète ou un homme qui fait des miracles ? Est-il
simplement envoyé par Dieu pour exhorter le peuple ? Que signifie au juste la
profession de foi de Pierre lorsqu’il dit à Jésus : « tu es le Christ, le
Messie, le Fils du Dieu-vivant » ? Reconnaît-il simplement que Jésus est
quelqu’un d’exceptionnel ?
Dans les évangiles, la Transfiguration du Christ
marque la montée de Jésus vers Jérusalem, et prépare les disciples aux
événements qu’ils auront à vivre. Cet épisode succède à la profession de foi de
Pierre (« Tu es le Christ, le Fils du Dieu-vivant » en Mt 16, 16) et aux
premières annonces de la Passion. Mais celles-ci restent d’une certaine manière
mystérieuses pour les apôtres qui ne sont pas prêts à comprendre ce que
signifie que « le Fils de l’Homme devra souffrir beaucoup, être tué, et, le
troisième jour, ressusciter » (Mt 16, 21). Seule la résurrection ouvrira
vraiment l’intelligence des disciples à la compréhension de ces paroles et
c’est pourquoi, à la fin de ce récit, Jésus leur ordonne de « ne parler de
cette vision à personne avant que le Fils de l’Homme soit ressuscité d’entre
les morts » (Mt 17, 9). Mais en manifestant sa gloire sur la montagne de la
transfiguration, Jésus veut néanmoins préparer leur cœur à ce qu’ils vont
vivre.
Pierre, Jacques et Jean y découvrent que Jésus est
beaucoup plus que ce qu’ils imaginaient ou percevaient, qu’il est beaucoup plus
qu’un homme dont les paroles et les gestes sont impressionnants, et dont les
valeurs sont profondes. Il est transfiguré devant eux ; il brille comme le
soleil, ses vêtements comme la lumière. Ceci n’est pas simplement un spectacle,
ou encore un miracle. Ici, il ne s’agit pas de ce que Jésus fait, mais plutôt
de la révélation de ce qu’il est. Il est révélé comme source de la lumière. Ce
n’est pas un homme éclairé ; Jésus est celui qui éclaire, qui illumine, qui,
dans l’obscurité de cette vie, est lumière. Depuis le début, quand Jésus les a
appelés là au bord du lac de Galilée, Pierre, Jacques et Jean sont, sans le
savoir, en présence de Dieu. Maintenant, ils voient la divinité de Jésus. La
voix qui vient de la nuée lumineuse le confirme : « Celui-ci est mon fils
bien-aimé, en qui j’ai mis tout mon amour ». Depuis quelques mois,
peut-être depuis des années, ils marchent avec Dieu, et Dieu avec eux, d’une
manière humaine, familière, intime.
Comment, nous-mêmes, dans ce temps de conversion et
dans notre cheminement vers Pâques, pouvons-nous être fortifiés par la
méditation de ce récit de la Transfiguration ? Nous ne sommes pas Fils de Dieu
à la manière de Jésus, mais nous sommes bien devenus par notre baptême fils et
filles bien-aimés du Père par adoption, à travers les faiblesses de notre vie
humaine. Comme pour Jésus de Nazareth, notre filiation divine n’est pas
visible. Mais en dépit de la pauvreté de ce qui se voit, le choix qu’Il a fait
de nous pour être ses enfants, la vie divine que nous avons reçue au baptême et
à laquelle nous sommes appelés à nous conformer de plus en plus ; tout ceci
forme la réalité profonde de chacune de nos existences.
Etre chrétien ce n’est pas vivre des choses
extraordinaires. C’est partager la destinée humaine en étant habité de manière
invisible par la force et la vie de Dieu. Sa parole nous révèle la réalité
invisible de notre existence. Elle nous rend confiance dans la capacité de la
grâce reçue au baptême à transformer et même à transfigurer notre vie. Par grâce,
cette dignité habituellement cachée sera-t-elle rendue perceptible, non par des
signes extraordinaires mais à travers notre manière de vivre et d’être avec les
autres, à travers la transformation de notre existence personnelle, à travers
notre relation au monde et à travers l’espérance que nous avons en face de la
mort ?
AMEN.
Michel
Steinmetz †
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