Dimanche dernier, nous célébrions l’Epiphanie, la
manifestation du Seigneur dans la visite des Mages. L’Enfant-Dieu révélé aux
nations comme Sauveur. Aujourd’hui, nous méditons une autre désignation :
celle faite par Jean-Baptiste : « Voici l’agneau de Dieu qui enlève
le péché du monde... C’est de lui que j’ai dit : ‘Derrière moi vient un
homme qui a sa place devant moi car avant moi, il était"’ . Je ne le
connaissais pas, mais si je suis venu baptiser dans l’eau, c’est pour qu’il
soit manifesté au peuple d’Israël. »
Jean a beaucoup prêché, il a admonesté les gens, les a
exhortés à avouer leurs péchés et à se laver dans les eaux du Jourdain. Mais il
en a fait très vite l’expérience : nulle prédication, nulle ablution ne
peuvent changer l’être humain ! La puissance du péché est telle qu’elle ne
peut être enlevée par ces moyens dérisoires. Jean reconnaît son échec de
prophète mais il a reçu une révélation : Jésus, lui, et le seul, pourra
accomplir l’impossible : parce qu’il a reçu l’Esprit et qu’il en est
comblé. Il est Celui qui enlève le péché du monde.
Voici l’agneau des
bergers
Il y a bien longtemps – peut-être déjà quinze siècles avant
le Christ – les bergers du Proche-Orient célébraient une certaine fête. Pendant
les deux mois d’hiver, les troupeaux étaient enfermés à l’abri des pluies et
des températures plus basses. La nuit de la première lune de printemps,
marquant l’entrée dans une nouvelle année, les bergers se réunissaient. On
immolait un agneau nouveau-né et, de son sang, on marquait les linteaux des
portes en vue de chasser les mauvais esprits ; ensuite, sur la broche, et
sans en avoir brisé les os, on rôtissait l’agneau et on le consommait avec des
pains sans levain. Après ce repas, les bergers se saluaient et, chacun emmenant
son troupeau, ils se dispersaient à la recherche des nouveaux pâturages et des
sources à nouveau alimentées. On se retrouverait à la fin de l’été. Cette fête
de l’agneau s’appelait Pessah - en
français : passage, pâque.
Voici l’agneau des
esclaves
Or, précisément, une certaine année, lors de cette fête de Pessah, Moïse parvint à faire sortir d’Egypte
ses frères hébreux qui y étaient esclaves depuis des siècles. Là, on le sait,
se situe l’événement fondateur d’Israël. Ce peuple confesse qu’il est né parce
que, en cette nuit de Pessah, Dieu
est intervenu afin de le libérer sans qu’il soit nécessaire de combattre. Pessah est la célébration de la
libération : elle proclame pour toujours que Dieu prend le parti des
pauvres contre les tyrans totalitaires. Il était donc impérieux qu’Israël n’oublie
jamais cette nuit : c’est pourquoi les fils d’Israël prirent l’habitude de
célébrer chaque année cette fête, d’immoler et de partager un agneau dont le
sang avait permis l’exode, la sortie de prison des ancêtres et, du coup, cette
mémoire était en même temps promesse que Yavhé, en Son Jour, procurerait la délivrance
définitive de son peuple.
Voici l’Agneau de
Dieu qui enlève le péché du monde
A la suite de Jean-Baptiste, Jésus a d’abord beaucoup prêché
et appelé les foules à la conversion. En bon Juif, chaque année, il a célébré
la Pâque de son peuple. Alors que l’hostilité de la part des Autorités atteint
son paroxysme, il monte à Jérusalem pour y célébrer la Pâque - conscient que l’étau
allait se refermer sur lui. Et cette nuit-là, tout à coup, à la grande
stupéfaction de ses disciples attablés, il « transfigure » le
rite : il prend le pain, le bénit, le rompt et le leur donne en
disant : « Prenez et mangez : ceci est mon corps » et il
fit de même avec la coupe de vin : « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance... ».
Jésus se substitue à l’agneau pascal: il interprète son exécution - qui, il le
sait, va avoir lieu dans quelques heures - comme un don de lui-même. Aucun
sacrifice d’animal ne peut sauver l’humanité : seul le sang de Jésus, Fils
de Dieu, - donc porteur d’amour infini - est capable de nous libérer de l’esclavage
du péché et de nous combler de la Vie de l’Esprit, cet Esprit dont Jésus est
plein. A la fin de son évangile, rapportant la mort de Jésus en croix au
Golgotha, Jean racontera un curieux incident : le soldat, de sa lance,
perce le côté de Jésus, il en sort de l’eau et du sang et le témoin, d’un ton
solennel, écrit : « En effet tout cela est arrivé pour que s’accomplisse
l’Ecriture : ‘Pas un de ses os ne sera brisé’ ».Effectivement le
rite de l’ancienne pâque stipulait qu’il ne fallait pas briser les os de l’agneau
(Exode 12, 46).
Voici l’agneau dans l’eucharistie
Extraordinaire évolution du rite pascal ! Ce qui fut d’abord
une fête pastorale, un rite de passage qui visait la protection et la fécondité
des troupeaux, était devenu, en Israël, la grande célébration de la libération
du peuple de pauvres. Et voici, qu’avec Jésus, le rite a pris sa forme
définitive et des proportions inédites : Jésus est l’Agneau pascal qui s’offre,
qui donne sa vie afin que ses disciples (enfermés dans la nuit du péché,
esclaves de leur faiblesse et de leur trahison) soient libérés et entrent dans
le Royaume de Lumière, guidés désormais par l’Agneau devenu leur Berger.
Désormais faites attention quand le prêtre tend l’hostie et
répète la phrase de Jean-Baptiste : « Voici l’Agena de Dieu qui enlève
le péché du monde ! ». Regardez et croyez, mangez et espérez ! Vous
êtes libres, membres du peuple de Dieu en route vers les pâturages éternels.
AMEN.
Michel
Steinmetz †
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