A tous les visiteurs de ce blog, bienvenue !


Vous y trouverez quelques informations sur ma recherche et sur mon actualité.
Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

N'hésitez pas à me faire part de vos commentaires !

mardi 9 février 2016

Homélie de la messe du mercredi des Cendres - 10 février 2016

Je me souviens qu’au collège, dans la classe où nous suivions assidûment, et il est vrai assez passionnément, nos cours de latin, nous avions collé au mur l’expression latine : « Vulnerant omnes, ultima necat » (Toues font souffrir, la dernière tue », en parlant des heures de la vie). Dans certaines abbayes, autrefois, était gravée sous les horloges, cette autre inscription latine : Ultima forsan, la dernière peut-être. Vous allez trouver que les deux formules sont bien peu réjouissantes et qu’elles s’accordent finalement bien avec l’impression de gravité, voire même de tristesse qu’on doit adopter quand arrive le carême. Mais il n’en est rien.
 
Ultima forsan, la dernière peut-être, souligne que chaque heure qui passe n’est pas un dû, mais un don, un cadeau de la part de Dieu. Cette perspective est bien plus positive que celle que j’avais, toute stoïcienne, devant mes yeux des heures durant. Cette heure, ce moment présent est le signe, le plus discret, de la bonté de Dieu envers nous : il nous donne le temps. Il nous donne le temps de le chercher, car il n’habite pas les évidences et les affirmations. Il nous donne le temps de nous tromper, de passer par les échecs et les difficultés, étrangement aussi par le mal et le péché. Il nous donne surtout le temps de la conversion, c’est-à-dire du choix renouvelé en faveur de la vie et de l’amour, en faveur de la paix et du pardon.
 
C'est le sens de l’appel de Paul aux Corinthiens que nous venons d’entendre : « Au moment favorable, je t’ai exaucé, au jour du salut je suis venu à ton secours. Or, c’est maintenant le moment favorable, c’est maintenant le jour du salut. » Le temps n’est donc pas ce que nous subissons, même si, psychiquement, c’est souvent ainsi que nous le vivons : le temps nous manque, nous presse de toute part, il nous agite et il nous stresse, il nous fatigue et ne nous donne pas le temps de vivre, de rêver, de prier, d’aimer. Il nous laisse exsangues, lessivés, défaits. Pourquoi ? Parce que nous voulons le maîtriser, l’enchaîner. Nous croyons que le temps est une pure invention humaine. Il doit donc rester à notre service. Or, c’est nous qui sommes à son service. Le serviteur est devenu plus grand que son maître.
 
Nous sommes invités, en ce temps de carême, à changer notre regard sur le temps et à le redécouvrir pour ce qu’il est réellement : le visage pour nous de l’éternité, le visage pour nous de Dieu, le visage – en cette année tout particulièrement – de sa miséricorde. Nous véhiculons une idée de l’éternité aussi étriquée que celle que nous avons du temps, car les deux sont liés. Nous croyons que l’éternité est l’absence de temps, qu’elle est pour plus tard, au paradis. Et nous en avons une idée d’ennui : « L’éternité, c’est long, surtout à la fin », selon le mot d’humour de Woody Allen ! Mais non, le temps que nous vivons, maintenant est le visage de l’éternité pour nous, c’est la manière qu’a l’éternité de nous rejoindre, c’est l’éternité qui se dépose dans le temps et nous donne ainsi la seule possibilité de goûter le temps de Dieu. C’est ce qui s’est passé pour nous au jour de notre baptême om ce qui est d’humain en nous a été transformé par la part de vie divine que Dieu décidait de nous donner en partage.
 
Le temps de Dieu se donne et se dépose dans le temps des hommes : visage d’un homme, Jésus, venu de Dieu et qui ne cesse jamais de nous inviter à le rejoindre, aujourd’hui. Le temps nous est donc offert de la part de Dieu, c’est même son plus beau cadeau : cette heure-ci, la dernière peut-être est la plus grande délicatesse d’un Dieu patient. D’un Dieu qui sait qu’on ne fait rien de grand et de profond sans enracinement, sans cheminement. Il y a donc une sagesse à redécouvrir le don du temps. Et il n’y a pas besoin de courir vers les philosophies orientales, aussi riches soient-elles, le christianisme nous apprend que le temps est le visage pour nous de l’éternité.
 
Alors, il nous faut le recevoir avec un cœur renouvelé car il est temps, cette heure est la dernière peut-être. Et quand celle-ci arrivera, puissions-nous avoir assez de foi pour la croire déjà gorgée d’éternité !
 
AMEN.               
 
Michel Steinmetz †   

Aucun commentaire: