La Pentecôte ne fut ni une kermesse, ni un supershow. Elle fut un événement dont la
portée commença à l’intérieur du lieu clos où se trouvaient la Vierge Marie et
les Apôtres, pour en déborder jusqu’aux confins de la terre. La prière unit
cette pette assemblée, autant que son incertitude face à l’avenir. La Vierge
Marie et le Apôtres demeurent fidèles à la consigne du Seigneur de faire mémoire
de sa résurrection, quand bien même ils l’ont vu s’élever vers le ciel, dix
jours auparavant.
A bien comprendre ce que nous relatent les Actes,
nous comprenons d’emblée que l’évènement de ce jour est paradoxal et échappe
aux lois de la raison humaine. Nous pourrions de prime abord comparer le
phénomène à un orage soudain, comme ces derniers jours nous en ont fait connaître.
Or le bruit entendu n’est pas celui du tonnerre qui expliquerait le feu qui s’en
suit. On nous dit : « Soudain un bruit survint du ciel comme un
violent coup de vent : la maison où ils étaient assis en fut remplie tout
entière. » Et, poursuit le texte : « Alors leur apparurent
des langues qu’on aurait dites de feu, qui se partageaient, et il s’en posa une
sur chacun d’eux. ». Or le vent ne produit pas le feu. Il pourrait l’attiser
si celui-ci était déjà à l’œuvre, mais, quand il s’agit d’une simple flammèche
qui n’est pas en prise à un terrain favorable, il en a même raison. Paradoxal,
donc, ce phénomène. Ce qui nous fait dire qu’il échappe à la logique. C’est la
conclusion à laquelle aboutit aussi l’auteur des Actes : « Tous
furent remplis d’Esprit-Saint ».
Ce que produit l’Esprit est détaillé : « ils
se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de
l’Esprit. ». Alors que le même feu descend sur Marie et les Apôtres et se
partage sur eux, symbolisant l’unique don de l’Esprit de Dieu qui leur est
fait, son effet est à la fois le même et différent. Saint Basile l’exprime
admirablement dans son Traité sur
le Saint-Esprit :
« Il est simple par son essence, mais se
manifeste par des miracles variés. Il est tout entier présent à chacun, mais
tout entier partout. Il se divise, mais sans subir aucune atteinte. Il se donne
en partage, mais garde son intégrité : à l'image d'un rayon de soleil, dont la
grâce est présente à celui qui en jouit comme s’il était seul, mais qui brille
sur la terre et la mer, et s'est mélangé à l'air. »
Cette action multiforme de l’Esprit, qui pousse non
seulement au témoignage en faisant sortir, mais qui le rend aussi possible et
audible, se manifeste dans « la stupéfaction et l’émerveillement »
qui poussent les bénéficiaires de ce jour à dire : « Ces gens qui
parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ? Comment se fait-il que chacun de nous
les entende dans son propre dialecte, sa langue maternelle ? ».
Frères sœurs, nous avons revêtu symboliquement le vêtement
blanc du baptême. C’est une couleur unique, qui nous fait tous ressembler les
uns aux autres. Et pourtant, sous ce vêtement blanc, chacun de vous porte ses
propres habits. Ils ne ressemblent à aucun autre. Chacun et chacune d’entre
vous possède sa langue, « son dialecte » nous disaient les Actes des Apôtres
(Ac 2,8). Bien sûr, vous parlez français, mais la langue n’est pas simplement une
suite de mots que l’on utilise, c’est toute la culture qui habite notre cœur.
Nous l’avons héritée de nos racines, de nos parents, de nos familles, de notre
histoire, bref c’est un petit écosystème culturel particulier à chacun d’entre
vous. Cependant, bien que vous ayez tous votre culture et vos avis, la parole
de Dieu rejoint chacune et chacun d’entre vous dans sa propre langue, non pas
parce que vous seriez devenus polyglottes, mais parce que la parole de Dieu
n’est pas seulement la succession des sons que l’on entend, elle est le message
que Dieu adresse à notre cœur. Ce message est unique, toujours le même, c’est
le commandement du Christ, et pourtant différent pour chacune et chacun d’entre
vous parce qu’il vous touche dans l’expérience de votre vie.
Dieu vient en nous, Dieu établit sa demeure parmi nous et
nous donne un nouveau défenseur. On demande quelquefois par curiosité,
quelquefois par malice, ce qui différencie un chrétien du reste des hommes. Ce
qui différencie un chrétien du reste des hommes, c’est qu’il sait que jamais en
ce monde, ni dans l’autre, il n’est seul. Jamais, ceux qui se mettent à la
suite du Christ ne risquent d’être abandonnés à la solitude dans les épreuves.
Jamais ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la mettent en pratique ne
peuvent craindre de manquer d’un défenseur.
AMEN.
Michel Steinmetz †
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