Sommes-nous rassemblés
autour d’un concept ? D’une grande idée théologique ? D’un problème arithmétique ?
Car, dites-moi, 1+1+1 font combien ? 3 assurément si vous étiez un tant
soit peu doués en mathématiques ; 1, si vous excelliez au catéchisme. Mais
avons-nous besoin d’une fête liturgique pour autant ? Car nous fêtons la
Sainte Trinité. Celle du Père, et du Fils et du Saint-Esprit.
Face à ce qui est un des
grands mystères de la foi chrétienne, et une de ses spécificités, nous pouvons
rester bouche bée et nous perdre dans l’insondable de cette réalité de notre
Dieu. Car c’est l’identité du Dieu qui est le nôtre d’être à la fois un et
trine ; « une seul Dieu, un seul Seigneur, dans la trinité des
personnes et l’unité de leur nature », comme le chantera tout à l’heure la
préface de cette messe. Nous devons tenir, au risque de professer une foi autre
que celle de l’Eglise, que chacune des personnes est distinctes mais de même
nature. Le Fils ou l’Esprit ne seraient pas moins « divins » que le
Père, par exemple. Et l’Esprit ne serait pas une manière symbolique de parler
de l’agir de Dieu.
Parce que Dieu ne se
contente pas d’être et de demeurer dans sa gloire pour susciter notre
admiration ou notre désespoir de ne jamais pouvoir le rejoindre, tels des
visiteurs contemplant une lointaine œuvre d’art mise à l’abri dans une vitrine,
Dieu veut nous intégrer à ce qu’Il est. Ainsi, la Trinité n’est plus de l’ordre
du concept mais de la vie. En la célébrant, c’est notre vie chrétienne et
baptismale que nous célébrons dans le rappel du don que Dieu nous fait. Nous
sommes baptisés « au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit ». Ne
voyez pas là une simple formule liturgique car nous sommes dès lors réellement
immergés dans la Trinité. Qu’est-ce que cela signifie ? Il n’y a plus Dieu
d’un côté, et nous de l’autre. Notre véritable nature est révélée. Nous sommes
non seulement faits pour Dieu mais nous sommes capables de Lui. Nos frères
orthodoxes ou de tradition orientale n’hésitent pas à parler de
« divinisation » pour désigner notre avenir. L’Occident est plus
mesuré et fait dire à saint Irénée de Lyon : «« La gloire de Dieu c’est
l’homme vivant ; la vie de l’homme, c’est de contempler Dieu » (C.H., livre 4,
20:7). Cette désormais possible proximité avec Dieu, Paul nous la
rappelait comme une formidable espérance :
« nous qui sommes
devenus justes par la foi, nous voici en paix avec Dieu par notre Seigneur
Jésus Christ, lui qui nous a donné, par la foi, l’accès à cette grâce dans
laquelle nous sommes établis ; et nous mettons notre fierté dans l’espérance
d’avoir part à la gloire de Dieu. »
Pour avoir part à ce destin
auquel Dieu nous convie, il nous faut consentir à ce que Dieu puisse faire son
œuvre en nous. Quand Jésus promet le Défenseur, « l’Esprit de
vérité », celui qui « conduira dans la vérité tout entière », il
s’agit bel et bien de se laisser rejoindre par cette force qui émane de Dieu,
ce souffle qui conduit à Lui. Sans cela, nous ne pouvons « porter »
la profondeur de la Révélation. Beaucoup aujourd’hui veulent comprendre, analyser,
questionner. C’est bien. Car la foi chrétienne n’est pas un fondamentalisme.
Elle fait appel à la raison humaine et ne saurait s’en passer car elle est
l’exercice de notre liberté. Pourtant, au seuil du mystère, c’est l’abandon qui
devient la seule voie. Non la démission de l’intelligence, mais l’intelligence
qui accepte de s’en remettre à ce qui la dépasse et consent à la confiance. A
la foi. « Tout ce que possède le Père est à moi ; voilà pourquoi je vous
ai dit : L’Esprit reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire
connaître ».
Frères et sœurs, quel est le signe que vous apprenez à vos enfants dès leur plus jeune âge, celui qui marque nos existences chrétiennes et qui débute chacune de nos liturgies ? Le signe de la croix. Alors que nous traçons sur notre corps le signe de notre salut, nous l’accompagnons de ces paroles : « Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ». Toute notre personne en effet est revêtue et enveloppée de la dignité d’enfant de Dieu. La sainte Trinité nous concerne.
AMEN.
Michel
Steinmetz †
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