On peut entendre cet
évangile d’une double manière. Ou bien l’on estimera qu’il y a quelque chose
d’intolérable dans l’attitude de Jésus à l’encontre des siens, ou bien on se
réjouira de cet élargissement de parenté. A la première lecture en effet, on
pense découvrir une opposition entre la parenté de Jésus, sa famille de
Nazareth (selon la chair et le sang) et ‘le nouveau cercle de famille’ celui
des Douze et des disciples.
Regardons
attentivement ce texte : Tout d’abord, nous voyons les gens de la parenté de
Jésus qui sont venus pour se saisir de lui en disant : « il a perdu la
tête ». Non pas qu’ils le pensent, mais qu’ils craignent sans doute bien
plus pour lui, à la vue dont les choses semblent tourner. Ils veulent le sortir
d’affaire. C’est l’attitude d’une famille qui se sent solidaire. Car la foule était si nombreuse et si
pressante qu’il leur était impossible de rentrer et ceux-ci restent dehors et
font demander Jésus. « Qui est ma mère ? qui sont mes frères ? […] Voici ma
mère et mes frères. Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est pour moi un
frère, une sœur, une mère. »
A l’époque de Jésus,
les liens de parenté sont sacrés. Il n’est donc pas étonnant que la parenté
soit comprise au sens large du terme. Alors que nous distinguons entre fratrie,
cousins issus de germain, cousins par alliance, etc… et que le monde moderne
des familles recomposées embrouille plus encore les choses, il n’y a à l’époque
que des frères et des sœurs. C’est-à-dire des personnes qui peuvent se
revendiquer du même sang, du même héritage.
Jésus emploie le
vocabulaire propre à désigner les relations familiales (mère, sœur, frère) non
pour rabaisser les siens, sa parenté de sang – ce serait une vision des choses.
Bien plutôt il étend cette parenté en l’étendant désormais à ceux qui
« font la volonté de Dieu ». Faire la volonté de Dieu devient
désormais la clé pour ouvrir, ou plutôt rouvrir, l’accès à Dieu. Nous ne
pouvons finalement ni entendre cet évangile ni le comprendre sans le passage du
livre de la Genèse que la liturgie nous
donnait en première lecture. Alors que Dieu avait créé l’homme et la femme pour
demeurer dans son intimité, symbolisée par le jardin d’Eden, cet enclos
protégé, Adam et Eve, poussés par leur désir de franchir l’interdit, se voient
chassés. Ils n’ont pas compris que de faire la volonté de Dieu était pour eux
le gage du bonheur et de la félicité. Ils ont préféré passer outre. Prenant de
la distance par rapport à Dieu, ils devaient en payer les conséquences, et nous
avec eux.
Voilà cependant que
Jésus permet d’inverser le cours des choses qu’on croyait inéluctable. Dieu
serait à jamais le Tout-Autre, désespérément loin. En Jésus, il se fait proche.
C’est le sens de la réponse de Jésus aux scribes venus l’interroger. Comment se
pourrait-il que Satan s’expulse lui-même ? En somme, il suffit de regarder
pour comprendre. Ils ont devant les yeux les signes de sa puissance. Il guérit
les malades, il expulse des forces obscures, il réconforte ceux qui souffrent
jusqu’à faire revenir des morts à la vie. Serait-ce là les signes du
Mauvais ? Le bon sens suffit à répondre. Evidemment que non.
Jésus introduit dans
la parenté de Dieu ceux qui font sa volonté. Comme Lui la fait. Il n’agit pas
en son nom propre. Il n’est pas à son propre compte. Il révèle le visage du
Père et le rend proche d’une humanité qui avait pensé pouvoir se passer de Lui.
Il va même plus loin encore : « nous le savons, celui qui a
ressuscité le Seigneur Jésus nous ressuscitera, nous aussi, avec Jésus, et
il nous placera près de lui avec vous » (2 Co). Frères et sœurs, rien
d’iconoclaste ou d’inconvenant dans les paroles de Jésus, mais plutôt une bonne
nouvelle pour nous. Vous voulez faire partie de la famille de Jésus ? Vous
n’aurez aucun test sanguin à fournir pour prouver les liens du sang. Il vous
suffira de paraître devant lui avec le cœur rempli du désir de faire ce qu’Il
attend de vous.
AMEN.
Michel Steinmetz †
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