« Soyez toujours dans la joie, priez sans
relâche, rendez grâce en toute circonstance » (1 Th 5,16-18). Cette parole,
nous la recevons sans doute avec étonnement, comme elle le fut dans la
communauté des Thessaloniciens. Peut-on toujours être dans la joie ?
Peut-on prier sans relâche ? Peut-on rendre grâce en toute circonstance,
comme si les événements qui marquent l’existence humaine étaient tous
bénéfiques ? Comme si tout ce qui arrive concourait à notre satisfaction,
à notre épanouissement, à notre plaisir ? Comme s’il n’y avait dans le
monde ni injustice, ni violence, ni guerre, ni mort ? Il y a bien des
situations de notre vie où nous n’avons guère envie d’être joyeux, voire où
cela nous est tout bonnement impossible. Pour être disciple de Jésus et pour mettre en
pratique l’invitation de saint Paul, faut-il devenir comme insensible à tout ce
qui survient ? Faut-il fermer les yeux sur ce qui arrive, les garder
perpétuellement fixés vers le ciel, au risque de trébucher sur les embûches du
chemin ? Cette attitude d’action de grâce permanente, de joie perpétuelle,
de prière incessante, est-elle compatible avec une existence normale ? Ou
bien, prenons-nous cela comme une exhortation pour calmer un peu la mauvaise
humeur mais sans y accorder vraiment d’importance ?
Prier sans relâche, cela veut dire que nous
nous tenons constamment dans la présence de Dieu, évidemment pas toujours de
façon consciente et active, mais de façon permanente. Cette permanence
s’exprime à travers la régularité de notre prière. Nous vivons les événements
de notre vie sous le regard de Dieu. Nous avançons sous le regard de Dieu, et
ce regard de Dieu nous fait partager la lumière que Dieu projette sur les
événements du monde, nous permettant, pour poursuivre le raisonnement de saint Paul,
de discerner la valeur de toute chose. Car en toute chose de ce monde sont
mêlés le bien et le mal, l’espérance et la souffrance. En toute chose de ce
monde sont mêlés des sentiments contraires qui habitent tour à tour notre cœur.
Être chrétien, ce n’est pas fermer les yeux sur l’ambiguïté de cette expérience
humaine, et faire comme si de rien n’était. Être chrétien, c’est discerner,
c’est-à-dire, à la lumière de la parole de Dieu, essayer d’identifier, de
repérer, ce qui est bon pour le garder et le faire fructifier, essayer de
repérer ce qui est mal pour s’en éloigner. C’est au prix de cette lumière de la
foi que nous nourrissons par la prière constante que nous pouvons vivre dans
l’action de grâce car à ce moment-là, ce n’est pas simplement l’effet immédiat
des événements qui marque notre vie, c’est la manière dont il participe, d’une
façon mystérieuse, à l’accomplissement du dessein de Dieu à travers l’histoire
des hommes. Certes, certains de ces événements peuvent être pour nous gênants,
douloureux ou difficiles à vivre, mais à travers eux, Dieu construit quelque
chose qui va progressivement accomplir son œuvre. C’est pourquoi, même si nous
souffrons de quelques désagréments ou de véritables souffrances, nous sommes
encore invités à rendre grâce car nous comprenons qu’à travers ce chemin
difficile, Dieu est en train de tracer une route à travers le désert.
La mission de Jean-Baptiste qui consiste à
inviter les hommes à tracer une route à travers le désert ne s’accomplit pas
simplement dans les rires et les chansons ! Il y a un travail, un travail
difficile, aride : redresser ce qui est tordu, raboter ce qui fait
obstacle, chercher ce qui peut pousser et progresser. Ce travail aride, nous le
menons dans la lumière du Christ car c’est lui la lumière qui éclaire ce
chemin. Redresser le chemin du Seigneur, c’est une œuvre quotidienne, c’est une
œuvre qui nous confronte à la difficulté des événements de notre vie, de
chacune de nos existences, de nos personnalités. Confrontés à ces aspérités, à
ces difficultés, nous sommes appelés pour redresser le chemin. Et nous le
faisons sans édulcorer notre existence, sans noircir aussi le tableau, mais en
replaçant toutes choses sur le chemin que Dieu prépare pour nous.
AMEN.
Michel Steinmetz †
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