Alors que l’évangile
début par ces mots : « Commencement de l’Evangile de Jésus, Christ,
Fils de Dieu », Marc ne parle paradoxalement pas de Jésus, mais de
Jean-Baptiste, celui qui le précède et annonce sa venue. Ne serait-ce pas là
une manière de dire que, pour accueillir le Verbe de Dieu, il faut entrer d’abord
dans le temps des préparations ? Ce que nous faisons en ce temps de l’Avent,
symboliquement comme chaque année en nous rappelant que cette attente est celle
de toute notre vie, jusqu’à ce qu’Il revienne dans la gloire.
Nous sommes
confrontés à cette question incontournable : pourquoi donc faut-il que ce
temps dure si longtemps ? On pouvait penser qu’avec l’incarnation du Fils
de Dieu dans l’histoire des hommes, les temps étaient achevés et que l’on
pouvait décréter la fin de l’histoire avec plus de motifs que n’en avaient les
philosophes modernes qui se sont risqués à cette déclaration. Les premières
communautés chrétiennes attendaient le retour du Christ pour un proche avenir,
ils ne pouvaient pas imaginer qu’il y aurait encore quelque chose à faire. Ils
pensaient qu’avec la mort et la résurrection de Jésus, tout était accompli et
que l’on pouvait fermer le théâtre des événements. Il a fallu des années et des
siècles pour que, peu à peu, les chrétiens comprennent que ce retour du Christ
ne serait, non seulement pas dans un proche avenir, mais serait même dans un
avenir indéfini, puisque nul n’en connaît ni le jour, ni l’heure, ni le lieu.
C’est une des formes de l’épreuve de la foi de savoir que nous nous préparons
perpétuellement à accueillir quelqu’un qui ne vient pas et il faut bien essayer
de comprendre ce que nous vivons. La deuxième épître de Pierre nous donne un
élément de réflexion, en nous faisant toucher du doigt comment les choses n’ont
pas le même sens selon qu’on les regarde à partir de Dieu ou selon notre point
de vue : « Pour Dieu, un seul jour est comme mille ans, et mille ans
sont comme un seul jour » (2 P 3,8). Quelle façon plus simple et lapidaire
d’exprimer l’éternité de Dieu qui se situe hors de la durée ? Quelle
différence avec nous qui passons notre temps à compter les années qui
s’écoulent, et qui sommes inévitablement inscrits dans ce déroulement, non
seulement de notre existence personnelle mais dans le déroulement de l’histoire
des hommes qui constitue une durée ! Nous pouvons comprendre que cette
différence de point de vue, entre Dieu pour qui tout est présent en un instant
et nous qui découvrons la réalité dans la progression et le développement
temporel, nous aide à comprendre le sens de cette histoire humaine. Elle n’est
pas le fruit d’un retard de la part de Dieu, comme dit saint Pierre – il ne
peut pas y avoir de retard là où il n’y a pas de durée – elle n’est pas le
fruit d’une absence, d’un oubli, d’une négligence. Elle doit avoir un autre
sens, et Pierre nous donne une proposition pour comprendre le sens de ce temps.
Dieu prend patience envers nous car il ne veut pas en laisser quelques-uns se
perdre mais il veut que tous parviennent à la conversion.
Ces siècles qui nous
séparent de l’Ascension du Christ, et les siècles à venir dont nous ne
connaissons pas le nombre, nous acheminent vers son retour glorieux, ne sont
pas simplement un temps mort, un temps inutile, un temps dangereux, un temps
risqué. C’est d’abord le temps de la patience de Dieu à notre égard, à l’égard
de chacun d’entre nous. Un temps de grâce
pour nous convertir, pour laisser tracer en nous ce chemin par lequel le
Seigneur va venir, pour redresser ce qui est tordu, araser ce qui dépasse,
travailler la terre de notre cœur pour mettre à jour ses richesses.
Il se peut que ce
temps des préparatifs nous emble long, voire interminable au point de faire nôtre
la parole de l’Ecriture : « jusqu’à quand, Seigneur ? C’en est
trop… ! » (Is. 6, 11). Interminable au regard de l’histoire du monde
qui ne cesse de gémir, au regard de notre vie personnelle ou ecclésiale. Nous
aimerions tant que le Seigneur revienne, qu’Il soit là… et vite. Sans tarder.
Pourtant, avec Jean-Baptiste, il nous faut demeurer dans l’attente, celle du
moment opportun, de la grâce que généreusement le Seigneur nous accordera avec
abondance. En attendant, haut les cœurs ! Et courage ! Il vient.
AMEN.
Michel
Steinmetz
†
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire