La manière dont notre monde fonctionne est
parfois bien surprenante. Un grand patron racontait un jour : « dans une
réunion, où une quinzaine de personnes assistent, lorsqu’il faut discuter d’un
investissement de plusieurs milliards d’euros, seulement trois ou quatre prendront
la parole. Par contre, quand il faut décider de la couleur du tapis qui va être
changé au troisième étage de l’immeuble, là chacun a son mot à dire ». Plus les
décisions sont complexes, plus elles nous dépassent. Plus elles s’éloignent de
nous, plus nous ne nous sentons pas concernés. Phénomène intéressant, quand on
nous parle de décisions au niveau de la Commission européenne, de
mondialisation, de globalisation, nous sentons que notre prise sur la réalité
prend une certaine distance. Tout s’éloigne de nous comme si inexorablement
nous ne pouvions rien faire.
Peut alors s’installer en nous un sentiment de
découragement, voire même de déprime et nous entrons alors dans la pathologie
de l’aquabonite aigüe, celle qui pousse à dire comme une rengaine : « ah
quoi bon ! ». Comme si le fatalisme était notre réponse. Si personne ne bouge
pourquoi n’en ferais-je pas autant ? Allons-nous inexorablement vers un
monde mauvais, où tout va finir par s’écrouler ? La peur devient-elle
moteur de nos existences ? Si tel est le cas, il est plus que temps de nous
tourner à nouveau vers les textes de notre liturgie d’Avent. Notre monde n’a
pas été créé pour aller vers une catastrophe cosmique. Nous sommes sur terre
pour découvrir le bonheur. Et si nous nous sentons bien seul face à l’immensité
de l’évolution de notre humanité, rappelons-nous que les Juifs vivaient la même
chose à l’époque de Jésus.
Depuis plus de quatre siècles déjà, la voix
prophétique s’était tue. Et voilà qu’aujourd’hui une voix à nouveau crie dans le
désert. C’est celle d’un homme original, vêtu d’une tunique en poils de
chameaux, hirsute et se nourrissant de sauterelles. Cette voix crie, vitupère
et s’ne prend à ceux qui voudraient déserter, fuir, se dédouaner de leurs
responsabilités. Cette voix résonne aujourd’hui encore dans nos déserts. Au cœur
de notre société que je crois polluée par tant de bruits inutiles, Dieu nous
invite à retrouver la route du silence et du calme. Dans nos déserts
intérieurs, nous sommes conviés à oser prendre le temps de nous arrêter, à
faire taire tous ces bruits qui nous protègent de nous-mêmes et nous empêche de
réfléchir. Dans nos silences intérieurs, une voix se fait entendre : « préparez
le chemin du Seigneur, aplanissez sa route ». Un homme a transformé le
monde, il y a deux mille ans. C’est Jésus. Nous aussi osons croire, osons faire
ce pari que nous pouvons transformer le monde dans lequel nous sommes, parce
que nous le ferons à sa suite et parce qu’il nous demande de poursuivre son
œuvre.
Alors que tout semble à ce point nous échapper, l’espérance
permet de prendre part à la construction de notre monde. A nous de décider,
quel type de société nous léguerons aux générations ultérieures. Et cette
construction se vit maintenant, chacune et chacun y a sa place. Ce chemin à
préparer, cette venue à célébrer, Jean l’adresse à chacune et chacun d’entre
nous. A nous d’y répondre avec ce que nous sommes, avec les moyens dont nous
disposons. Ce ne sera peut-être qu’une petite goutte dans un océan. N’oublions
jamais que celui-ci est formé de la somme de ces petites gouttes. Si nous nous
y mettons toutes et tous à préparer ce chemin, les solidarités naîtront, l’autre
que nous croisons prendra un autre visage, celui d’un frère ou d’une sœur à
aimer.
La route qui nous est donnée de vivre est belle,
empreinte de douceur et de tendresse, respectueuse des différences et s’enrichissant
de celle-ci. Une route qui nous conduit à un monde de paix. Vous ne me croyez
pas ? Pourtant ce n’est pas moi qui le dit, mais Isaïe. Rappelez-vous : « le
loup habitera avec l’agneau, le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra ».
C’est cela la paix de Dieu, le monde que nous sommes invités à construire. Il n’y
a plus de temps à perdre, préparons le chemin du Seigneur.
AMEN.
Michel Steinmetz †
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