Commencer par la fin, voilà qui n’est pas banal ! Ouvrir l’année par un enseignement de
Jésus qui annonce sa venue à la fin des temps et qui nous invite à la vigilance
afin d’être prêts à l’accueillir à tout moment : « Tenez-vous donc prêts, c’est
à l’heure où vous n’y pensez pas que le Fils de l’homme viendra ! »
C'est que le temps de l’Avent est à la fois le temps du commencement et celui de la
fin. Depuis la naissance de Jésus, nous sommes dans le temps de la fin car,
comme le dira Jésus en croix : « tout est accompli ». La manière
chrétienne de vivre consiste à recueillir les fruits de ce qui s’est accompli
jadis, au temps de Jésus, et de vivre chaque jour dans l’espérance de sa venue.
En effet, notre existence ne trouve son véritable sens que si elle est à la
fois enracinée dans cette venue que nous célébrerons à Noël et aimantée par sa
venue toujours imminente. Or, bien souvent, nous ne sommes pas dans le présent
; nous rêvons au passé que nous regrettons ou nous faisons des projets pour un
demain qui n’existe pas encore. Or, c’est au présent que tout se joue, parce
que Dieu est toujours présent. Nous ne devrions jamais oublier cela. Dans quatre
semaines, nous serons donc à Noël, et nous célébrerons dans la joie ce
mystérieux événement de la naissance de Dieu dans l’humanité. Cette naissance a
très secrètement bouleversé le cours de l’histoire humaine. Car Celui qui est
né de Marie, c’est l’Emmanuel, Dieu « en personne » qui a décidé de venir pour
être avec nous, pour habiter quotidiennement au cœur de nos histoires, jusqu’à
la fin des temps (cf. Mt 28,20).
La force du chrétien réside dans l’espérance qui l’habite ! Sa force est de croire
que la nouveauté promise s’est infiltrée en profondeur en ce monde et que la
nuit ne l’emportera jamais sur le jour. Notre vie ne s’arrête pas à ce que nous
en percevons. Elle a une dimension cachée, secrète et subversive. L’espérance
habite au fond de notre cœur, même et surtout quand les choses tournent mal.
Ainsi, quand la ville de Jérusalem est assiégée par les armées assyriennes, le
prophète Isaïe annonce que Dieu va libérer son peuple et réunir toutes les
nations sur sa montagne sainte, à Jérusalem. Au moment où les armes menacent de
tuer, il a l’audace de faire cette annonce : « Des épées, on forgera des socs
de charrue, des lances, on fera des faucilles. On ne lèvera plus l’épée nation
contre nation. On ne s’entraînera plus à faire la guerre. » C’est l’espérance
qui donne cette audace au prophète Isaïe ; il sait que Dieu va venir sauver ce
monde de ses guerres fratricides. Qui d’autre que Dieu pourrait réaliser cela ?
La période de l’Avent est le temps de l’incroyable et tellement nécessaire
espérance ! Un avenir heureux se prépare. Il est déjà semé au cœur de ce monde
de violences et d’injustices. Et l’Avent le temps où l’Eglise se redit cette joyeuse espérance
lorsqu’elle se prépare à accueillir Celui qui peut réaliser ce que nous n’arrivons
pas à réaliser. Il y a, enfouie dans l’aujourd’hui de nos vies, une attente
cachée, une promesse d’avenir : Dieu vient et, en secret, il sème sa Présence
en ce monde ! Sortons de notre sommeil, cessons de vivre en oubliant Celui qui
habite nos cœurs et qui frappe à notre porte. Cessons de vivre en oubliant tous
ceux qui nous entourent et qui ont peut-être besoin de notre espérance. Soyons
prêts pour accueillir Celui qui vient en accueillant tous ceux qui nous
entourent.
"Marchons à la lumière du Seigneur » comme nous
y invitait Isaïe car nous sommes sûrs que « le Fils de l’homme viendra ». Il
vient faire sa crèche en chacun de nous, pas celle qui a été l’objet de
polémiques si typiquement françaises et qu’on a voulu rabaisser à l’état d’objet
culturel, celle de notre être intérieur. Angélus Silésius, disciple de Maître
Eckhart, a cette belle formule : Christ
serait-il né mille fois à Bethléem, S’il n’est pas né en toi, tu es perdu à jamais.
Préparons donc nos cœurs pour l’accueillir. Qu’il vienne naître en nous ! Que
chacun de nos cœurs devienne une crèche où Dieu vient sommeiller. Il a décidé
de naître partout où il est attendu et accueilli. Viendra-t-il chez nous ? N’allons
pas simplement voir la crèche en curieux dans nos églises ou sur nos places...
Préparons en nous cette crèche !
AMEN.
Michel Steinmetz
†
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