Les tragiques évènements du 13 novembre dernier et la
barbarie qui les ont accompagnés sont encore bien présents dans nos esprits. La
fête de ce jour, celle du Chris-Roi de l’Univers, marque à la fois la fin de l’année
liturgique et dessine à nos yeux l’horizon de la fin des temps, celui où le
Christ reviendra – enfin – récapituler toutes choses. Beaucoup de réactions,
les derniers jours, semblaient appeler et attendre un jugement, une justice qui
viendrait éradiquer le fanatisme qui, par un détournement honteux, prétend user
de Dieu pour étendre son pouvoir sur les terres et les consciences. Cette attente
du jugement pouvait se comprendre comme le souhait d’un déchaînement de la
colère de Dieu. Mais ce serait là détourner Dieu à notre profit : l’instrumentaliser
pour répondre à notre propre colère, notre propre peur. Le Dieu, révélé en
Jésus, n’est pas celui de la vengeance. Il est celui qui accepte l’autre, prend
patience et prend en pitié. Il est le Dieu qui souffre de voir ses enfants
ainsi s’égarer loin de la vérité.
Dans l’évangile de ce jour, le Christ apparaît comme un roi,
non celui que s’imaginent les hommes, qui gouverne en puissant, mais celui qui
règne par la manière dont il rend témoignage à la vérité. Il en impose car sa
puissance se dégage de sa faiblesse. Son unique trône sera celui de la croix
dans laquelle toute l’humanité sera rassemblée. Ce Christ n’est pas venu
imposer une idéologie, mais apporter de la lumière, rendre témoignage à la
vérité. Suivre le Christ, être obéissant au Christ, c’est être fidèle à la
vérité, c’est toujours chercher la vérité. Cette vérité n’est pas la production
d’un tel ou d’un tel, le résultat de son désir de puissance et de domination.
Cette vérité, vérité de l’Evangile, dépasse tous les courants de pensées,
toutes les idéologies. Elle s’impose comme l’évidence de la vérité de Dieu.
Vérité qui n’écrase pas mais qui rend libre, vérité qui ne fait pas souffrir
mais remet debout. L’Eglise elle-même reçoit cette vérité comme le don le plus
précieux qui lui est fait. Elle est en dépositaire au milieu des hommes.
Toujours à réformer, toujours à convertir, sa mission est de préserver cette
vérité dans sa pureté et la transmettre pour le salut de tous. Les chrétiens,
ceux qui suivent Celui qui est venu rendre témoignage à la vérité, ont toujours
le devoir de chercher la vérité et de ne pas se laisser séduire par ce qui est
moins que la vérité, par ce qui est partiel et partial. Si nous cherchons la
vérité, nous pouvons nous tromper, bien sûr - nous pouvons tomber, même sur le
bon chemin - et en la cherchant il faut profiter de la sagesse et de
l’expérience des autres, mais c’est finalement notre responsabilité de rester
fidèle à la vérité elle-même.
L’Église nous présente le Christ comme roi, non pour
insister sur sa préférence en faveur d’un type de régime politique. L’Eglise
emploie plutôt ce vocabulaire parce qu’elle le reçoit du langage biblique.
C’est évidemment un titre très paradoxal. Si nous appelons Jésus « roi », c’est
un roi qui n’assujettit pas son peuple mais qui les libère, qui ne s’impose pas
à son autorité mais qui lave les pieds de ses disciples. La royauté de Jésus,
son règne, dépassent cependant de loin tout ce que les systèmes politiques de
ce monde pourraient nous en donner comme représentation. Et pourtant, Jésus
règne bel et bien. Sa royauté n’est pas de ce monde. Son pouvoir, il le tient
de Dieu, son Père ; les finalités de son action se trouvent dans le salut
de l’humanité. En fait, quand Pilate lui demande : « Alors, tu es un roi ?
», Jésus détourne la question, il change le vocabulaire. « C’est toi qui dit
que je suis roi. Je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la
vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix ».
Si la vérité était le fruit d’une majorité, la résultante
d’un consensus, nous pourrions en changer au gré des modes ou des revirements
de pensée. Or, la vérité, celle que le Christ nous révèle, ne souffre aucune
dictature, ni celle d’un fanatisme de la peur, ni celle du relativisme qui
gangrène notre société, qui voudrait nous faire croire que tout se vaut. Nous
ne pouvons pas rester fidèles au Christ en ne restant pas fidèles à la vérité ;
mais si, par contre, nous insistons pour suivre le chemin de la vérité, nous
restons forcément fidèles au Christ, même sans le savoir, car le Christ est la
vérité. Et cette vérité est notre vie. C’est elle qu’il nous fait chercher à
tout prix, en ces jours troublés.
AMEN.
Michel
Steinmetz †
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