" Fils d’homme, je fais de toi un guetteur pour
la maison d’Israël ! ». Devenir un guetteur, c’est-à-dire devenir
celui qui, du haut des murailles de la cité, remplit cette haute charge de
détecter le danger lorsqu’ils survient, de prévenir ses compagnons afin de
garantir leur sécurité. Le guetteur accomplit son service avec zèle et
attention, sans une once de relâche qui pourrait s’avérer fatale. Il est encore
celui qui sait voir au loin, qui scrute et discerne. Cette mission est certes
confiée au prophète, mais Jésus, dans l’évangile, nous rappelle que nous en
sommes aussi dépositaires. N’avons-nous pas été faits, à notre baptême,
« prêtre, prophète et roi », à la suite du Christ ?
La première lecture nous enseigne que le salut
du prophète dépend de l’exercice de son ministère : il ne « sauvera sa vie »
que s’il a « averti le méchant d’abandonner sa conduite ». Entendons bien
: le Seigneur ne rejette pas le prophète qui aurait failli ; mais l’indifférence
de celui-ci trahirait qu’il n’est pas - ou qu’il n’est plus - en communion avec
Dieu. Ainsi sommes-nous établis « gardien de notre frère »,
solidaires les uns des autres. Nous ne devons jamais oublier que celui
qui a péché demeure notre frère. Avant d’être un coupable à punir, il est un
frère à aimer. Cela change tout par rapport au regard que nous allons porter
sur lui. Ce ne sera plus un regard soupçonneux ou accusateur, mais un regard
qui accueille et redonne confiance. Jésus se présente à nous comme le médecin
par rapport aux malades spirituels que nous sommes tous.
Si Jésus nous demande d’agir avec patience et
délicatesse, c’est parce que lui-même agit ainsi. Et s’il agit ainsi c’est parce que son Père agit ainsi. Il ne se
décourage pas devant mes difficultés à me corriger. Là où le péché abonde, son amour
surabonde. C’est ainsi que chacun de nous doit agir vis-à-vis de ses frères. Vous
l’aurez compris, c’est à notre propre conversion que le Christ nous appelle.
Car, comment souhaiter la conversion des autres sans d’abord penser à la sienne
propre ?
Le pécheur est, hélas, toujours sa propre
victime. C’est à nous-même d’abord que nous faisons le plus grand mal en
succombant au péché, parce que nous nous éloignons de Dieu.
Lorsque quelqu’un se noie ou est victime d’un
accident, la loi civile et républicaine nous impose de lui porter secours. Si
nous ne le faisions pas, nous serions coupables de non-assistance à personne en
danger. Aujourd’hui, l’évangile nous rappelle que ce danger n’est pas que
matériel. Il peut aussi atteindre l’esprit, l’âme et le cœur. Il peut
compromettre l’équilibre psychologique et affectif d’une personne.
L'Eglise n’est pas un tas de sable, une
poussière d’individus insulaires. Elle est ce grand corps dont nous parle l’apôtre
Paul. Un membre est-il affecté ? C’est tout le corps qui souffre. Un
membre est-il corrompu ou malade ? C’est tout le corps qui en pâtit.
Croyez-vous que l’un de nous puisse faire le mal sans que cela nous affecte
tous ?
A la question de Caïn « Suis-je le gardien de
mon frère »[1],
Jésus répond sans hésiter : « Bien sûr, puisque je te l’ai confié ; comment
pourrais-tu prétendre m’aimer, sans porter le souci de ceux que j’aime ? »
Si le prophète Ezékiel est établi comme guetteur pour la Maison d’Israël, c’est
la même mission qui est confiée à l’Eglise d’aujourd’hui. Sa charité doit être
non seulement prévenante, il faut qu’elle soit aussi guérissante.
Cet évangile se termine par un appel à la
prière. Quand deux ou trois sont réunis en son nom, il est là. Il est présent
tout comme au Cénacle parmi les apôtres. Il veut entrer toujours plus dans
notre vie personnelle, familiale, professionnelle pour la rendre de plus en
plus conforme à son amour. En venant à l’Eucharistie, nous accueillons tout cet
amour qui est en lui pour mieux le communiquer aux autres.
AMEN.
Michel Steinmetz †
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