Pourtant ce tableau profondément sombre et pessimiste n’est pas chrétien ! Il ne retiendrait qu’une des faces de l’Histoire. Or le visionnaire de l’Apocalypse utilise l’image de l’enfantement. Toute venue à la vie, tout surgissement de vie, se fait toujours et paradoxalement dans la douleur. A celles qui ont bénéficié de la péridurale et pour qui, peut-être, l’accouchement a été une partie de plaisir, je ferai modestement remarquer que cette miraculeuse injection ne supprime pas le souffrance en elle-même mais sa perception et son ressenti. Il est ainsi de la vie du monde. De crises en crises, d’attaques en attaques, de guerres en guerres, le combat se poursuit entre la lumière et les ténèbres, entre Dieu et le Malin.
Mais ce que nous croyons, c’est que ce combat, s’il faut encore le vivre, est pourtant déjà gagné. Par la victoire de la résurrection, l’humanité tout entière est déjà passée du côté de la vie. Le mal a été vaincu sur son propre terrain. Il n’aura plus le dernier mot. Notre monde porte cela en germe. Et les douleurs de son enfantement se poursuivent dès lors dans un long travail d’engendrement. Au terme, quand les temps seront « consommés », « alors, tout sera achevé, quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu son Père, après avoir anéanti, parmi les êtres célestes, toute Principauté, toute Souveraineté et Puissance. Car c’est lui qui doit régner jusqu’au jour où Dieu aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. Et le dernier ennemi qui sera anéanti, c’est la mort, car il a tout mis sous ses pieds », rappelait l’apôtre Paul.
Frères et sœurs, c’est ainsi que se déroule l’histoire. Cette histoire, nous en sommes cependant les acteurs. La passivité n’est pas de mise. Dans tout accouchement, il faut des personnes pour guider, encourager, éventuellement soigner. Il en va de même dans l’enfantement du monde renouvelé par la présence de Dieu. Nous ne pouvons rester les bras ballants, en attendant que les choses se passent et en nous disant que nous en connaissons déjà le terme, finalement. Notre devoir est d’hâter cette terre nouvelle. Et ce n’est sans doute pas par hasard qu’à la fois dans le livre de l’Apocalypse et dans l’évangile de Luc, la femme, Marie, est en mouvement. Ou pour échapper au dragon et s’enfuir au désert, ou pour se rendre dans cette région montagneuse de Judée, en portant déjà l’enfant à naître.
Au terme de la vision de l’Apocalypse, qui correspond au terme de l’Histoire humaine, Marie représente la « parfaite image de l’Église à venir, l’aurore de l’Église triomphante » (préface). Et c’est ainsi que nous devons comprendre la fête qui nous rassemble en ce jour. Non la contemplation d’un événement insigne, mais extraordinairement étranger à notre vie humaine, ou d’un privilège, mais bel et bien le sens donné à l’Histoire de notre monde. Dieu, pour ne pas nous perdre en route, pour que notre patience ne s’émousse pas, nous donne ce signe : celui de la Vierge élevé dans son âme et son corps, par la puissance toujours agissante de la résurrection. Marie nous entraîne dans la joyeuse danse du salut. Emboîtons-lui le pas avec entrain en ne cessant de reprendre son cantique de louange. Vraiment le Seigneur fit pour moi, pour chacun et chacune des merveilles. Comme on se réjouit de découvrir le visage de l’enfant à naître. « Maintenant voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu, voici le pouvoir de son Christ ! »
AMEN.
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