La Semaine sainte commence à
Jérusalem avec un rassemblement de la foule. Tous se pressent pour acclamer
Celui qui passe les portes de la Ville et que tous reconnaissent comme roi.
Nous retrouverons cette même foule, bien différente et versatile, massée devant
le palais de Pilate pour hurler sa haine et exiger la mise à mort du même
Jésus. Seulement cinq jours plus tard… Entretemps, les rues grouillent de
monde. Il faut préparer les fêtes de la Pâque.
Pour nous cette année, nul
rassemblement, nulle foule. Mais des rues et des places à peu près désertes.
Seuls des individus, attestation dérogatoire en poche, ayant coché la bonne
case au gré des leurs rares et épisodiques sorties. Je suis là, ce matin, sans
pouvoir discerner vos visages, sans la présence des familles et des enfants,
sans pouvoir saluer les personnes que je sais seules ou souffrantes. Vous êtes
chez vous, seuls ou en famille, face à votre écran et notre assemblée demeure
pour une part virtuelle, ne reposant sur rien d’autres que sur les liens de la
charité et la communion dans la prière.
Pourtant, nous allons la vivre,
cette sainte Semaine, le cœur de notre année liturgique ! Parce que c’est là
que se joue le mystère de notre salut. Et si nous ne pouvons expérimenter
physiquement la réalité palpable en ces jours du peuple des sauvés, de
l’Eglise, nous n’y renoncerons pas pour autant. Nous allons être communion,
spirituellement, par notre prière. Et nous redécouvrirons peut-être ce que
signifie ce que nous professons dans le Credo : la communion des saints.
Et surtout nous allons nous
rappeler qu’une foule n’est jamais rien qu’un concept. Une foule n’existe pas
sans les individus qui le composent. Si la Christ donne sa vie pour la
multitude, il ne l’offre pas pour une foule indistincte. C’est pour chacun
d’entre nous, les hommes et les femmes de son temps et de tous les temps, qu’il
accepte d’entrer aujourd’hui à Jérusalem, sans se laisser duper par les
acclamations, peut-être hystériques, de la foule. Il sait désormais jusqu’où le
conduira la fidélité à son Père. Pour que l’amour de Dieu soit pleinement
manifesté et que tout germe de mal soit détruit jusqu’à sa racine, que la mort
soit vaincue sur son propre terrain, il s’offrira sur la croix pour vous,
chacun et chacune, pour moi. C’est donc que, quand bien même, nous allons
demeurer confinés pour ces jours saints, nous ne serons nullement dispensés de
les vivre de la foi. Bien au contraire. De manière certes inédite, et pour une
part historique dans l’histoire de l’Eglise, nous parcourrons les rues de
Jérusalem à la suite du Christ sans faire partie d’une foule. Pourtant nous
demeurerons d’un peuple, c’est-à-dire de l’Eglise parce que chacun vivra cette
même expérience de foi.
Peut-être le Christ nous trouvera
en ces jours frileux, angoissés, déprimés ou même malades. Peut-être les
mesures prudentielles qui s’imposent à nous découvrent-elles en nous des
failles insoupçonnées ou au contraire des forces nouvelles ou une inventivité
dans l’amour du prochain. Peu importe finalement. Car le Seigneur qui entre
dans la ville sainte appelle chacun – les forts, les puissants, les faibles,
les malades, les jeunes, les vieux –, à Le suivre, à s’unir avec ce qu’il est à
ce cortège qui s’avance – par-delà la mort – vers sa vie. Et d’ores et déjà
nous savons que les lendemains seront meilleurs, même s’ils demeurent confinés
pour un temps encore : la présence lumineuse et irradiante du Christ, que nous
aurons suivi et qui nous aura transformés, nous trouvera plus vivants et plus
rayonnants d’une espérance nouvelle.
Ainsi, nous emboîterons le pas au
Christ et nous le suivrons, personnellement. Nous passerons la porte de
Jérusalem avec Lui, n’étant dupe en rien des vivats de la foule. Nous prendrons
la Cène avec Lui et nous veillerons en demandant que la volonté de Dieu se
fasse. Nous accepterons de mourir à nous-même pour renaître en Lui. Et ce
chemin, nous l’emprunterons avec détermination. Sans laisser aucun virus nous
séparer de Lui. Car Il est notre salut.
AMEN.
Michel STEINMETZ †
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