A en avoir le tournis !
A en perdre la tête ! Que de mouvements dans cet évangile. Jésus va et
vient, il prêche, il avance, il appelle à le suivre, il enseigne, il
prophétise, il appelle encore, il parcourt tout le pays et commente l’Ecriture.
On a l’impression d’un dynamisme inépuisable qui s’exprime par un empressement.
L’annonce du Règne de Dieu ne supporte aucun délai. L’urgence de la conversion
est là parce que l’urgence du salut est ici. Mais il ne s’agit pas d’une urgence
apocalyptique. Jésus ne prêche pas une conversion par peur du châtiment, il
proclame une conversion par désir d’entrer dans le Royaume de Dieu : « Convertissez-vous,
car le Royaume des Cieux est tout proche ».
Au début de l’évangile, on perçoit que, si les hommes sont l’auteur
du drame qui se joue pour Jean-Baptiste, lui qui est arrêté, c’est Dieu cependant
qui conduit les choses selon son dessein. Jésus « se retire » et l’évangéliste
emploie un verbe qui habituellement désigne chez lui le fait de se mettre à l’abri
d’un danger. Pourtant cela ne sera pas synonyme d’immobilité ou d’inactivité.
Jésus poursuit sa mission. Il quitte la ville de Nazareth où sa famille semble établie
pour la Galilée des nations. Matthieu
cite ici le prophète Isaïe – passage que nous entendions dans la première
lecture – mais en modifiant quelque peu le texte. Il s’agit de faire prendre
conscience de la signification prophétique du ministère de Jésus. En Galilée,
Jésus s’adresse aux tribus du peuple les plus menacées par la nuit païenne,
comme l’était jadis Israël par les Assyriens. Par là-même ce ministère prend
contact avec toutes les nations. Alors que d’autre se retirent au désert, à l’instar
de Jean et de ses disciples, ou concentrent leur activité sur Jérusalem, Jésus,
l’Emmanuel annoncé par le prophète, choisit les périphéries. Jésus s’y présente
non seulement en paroles mais aussi en actes.
Là, à côté de l’idée du mouvement, prégnante dans la première
partie du texte, s’en rajoute une autre : celle d’un aimant qui attire à
lui de manière inédite. On a l’impression que là où Jésus passe, on s’agrège à
lui tant il serait irradiant. Dans le
judaïsme du Ier siècle, le verbe suivre
désignait couramment le respect, l’obéissance et les nombreux services que les
disciples des rabbis devaient à leurs maîtres. En appliquant ce terme à Jésus
et à ses disciples, l’évangéliste en transforme le sens, néanmoins. Ce n’est
plus l’élève qui choisit son maître : l’appel vient de Jésus et il lui est
généralement répondu par une obéissance sans délai. Les disciples de Jésus le
suivent non seulement comme des auditeurs mais aussi comme des collaborateurs,
témoins du Règne de Dieu, ouvriers de sa moisson.
Si, en Galilée, Pierre et André courent après Jésus, ce n’est
pas parce qu’ils trouvent trop ennuyeuse leur vie de pêcheur ; si Jean et
Jacques se tournent vers lui, quittent leur père pour le suivre, ce n’est pas
parce qu’ils détestent leur père ; c’est parce qu’ils voient, tous les quatre,
en lui le soleil spirituel, la lumière de vie. A la lumière de Jésus, ils
voient les choses autrement. Il y avait dans leur vie une obscurité, dont ils
n’étaient peut-être pas conscients ; maintenant, en voyant Jésus, ils voient
plus clair, et ils le savent. En la personne de Jésus et en son enseignement,
les quatre croient voir les choses telles qu’elles sont ; Jésus les éclaire, et
ils croient arriver à une compréhension du monde et de leur vie dans le monde.
Jésus est le « sunshine »,
le rayon de soleil de leur vie. Il éclaire d’une manière nouvelle leur être
intérieur.
Voilà ce qu’ils croient. Mais est-ce qu’ils ont raison ? Ne
se trompent-ils pas ? Il est très dangereux de suivre un homme, les hommes
déçoivent, on peut tout perdre en les suivant. Notre siècle en est témoin. Des
dictateurs ont attiré à eux des foules considérables par leurs discours
enflammés. C’était une fausse lumière ; ils les ont fourvoyés. Leur amour a
abouti très vite à une catastrophe totale, leur lumière s’est révélée
obscurité. La lumière de Jésus s’est révélée une vraie lumière, durable,
éclairante, une lumière qui donne la vie, qui permet à chacun de suivre son
propre chemin. Cette lumière est toujours là, Jésus peut être, si nous le
voulons, le sunshine de notre vie.
AMEN.
Michel
Steinmetz †
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