Nous voici à nouveau, ce dimanche, sur les bords du Jourdain.
Jésus vient d’être baptisé et Jean rend ce témoignage : « J’ai vu
l’Esprit descendre du ciel comme une
colombe et il demeura sur lui. » C’est sans doute ce qui explique que
Jésus peut être désigné comme l’Agneau de Dieu qui porte sur lui tout le péché
du monde. Pensez-y un instant : imaginez la somme de nos péchés, celles de
tous les hommes et de toutes les femmes, de tous les coins du monde et de
toutes les époques. Il y a là quelque chose d’abyssal. Qui pourrait ainsi
prendre cela sur lui, s’en charger, sans en être englouti ? Déjà que nous
avons du mal à vivre avec le poids de nos propres manquements…
Les enfants aiment faire des expériences pour découvrir le
monde et mieux le comprendre. Nous avons été nous-mêmes des enfants. Prenons
une bouteille vide. Mettons-y quelques petits cailloux, du sable et
remplissons-la d’eau. Prenons une deuxième bouteille vide, elle aussi, et
remplissons-la pareillement. Nous nous apercevrons bien évidemment que cette
deuxième bouteille peut contenir bien plus d’eau. Ainsi Jésus, vide de tout
péché, est tout entier rempli d’Esprit-Saint, là où nous peinons à lui faire de
la place. A son baptême, Jésus se manifeste, pas seulement à Jean, comme celui
sur qui réside en plénitude l’Esprit-Saint. Voilà pourquoi aussi il peut
prendre sur lui le fardeau du péché du monde.
Nous comprenons que Jésus, lesté par le poids
du péché du monde qu’il prend sur lui, est englouti dans les eaux du baptême.
Pourtant, il en ressort. Sa remontée annonce déjà sa victoire, la victoire
pascale. « Tu triomphes de nos péchés, tu jettes toutes nos fautes au fond
de la mer ! » (Mi 7, 19). Sur le Golgotha, devant l’Agneau immolé, il n’y
a qu’un larron qui saura dire : « Pour nous c’est juste […]. Mais lui,
il n’a rien fait de mal. » (Lc 23, 41). Le Christ n’a rien fait de mal,
mais il a assumé le mal pour nous en défaire. Il est significatif qu’au tout
début du temps ordinaire la liturgie de l’Eglise propose à notre méditation ce
passage de l’Evangile de Jean. Jésus y apparaît comme l’Envoyé de Dieu. Digne
et droit, s’avance vers le monde ; il sort d’une vie cachée pour témoigner
de la bonté de son Père.
Jean, en présentant à tous Jésus comme cet
Agneau de Dieu, fait acte de foi. Il confesse que devant l’envoyé de Dieu il
convient de s’effacer. La seule venue de Jésus vers lui provoque cette foi.
« Oui, j’ai vu et je rends ce témoignage : c’est lui le Fils de
Dieu. » Le baptême par Jean n’était qu’un rite : un appel à la
conversion, le signe d’une vie donnée à Dieu dans la pureté. En Jésus, le
baptême dans l’Esprit de Dieu plonge en Dieu. Il est participation à la vie de
Dieu. « L’homme sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est
lui qui baptise dans l’Esprit-Saint ». Seul Dieu, en son Fils Jésus, peut
faire ce don-là. Il est don de lui-même. Saint Paul le rappelait : cette
libéralité de Dieu nous vaut d’être sanctifiés, c’est-à-dire ‘rendus saints’
dans le Christ Jésus, nous qui avons été appelés son peuple saint.
Le psaume 39, en réponse à la première lecture,
était particulièrement éclairant sur ce point. L’offrande de Jésus n’est pas
l’acceptation contre son gré d’une volonté du Père. Dieu ne prend plaisir à
aucun sacrifice. Il donne la capacité à entendre sa voix. Voici qu’aujourd’hui
le Fils bien-aimé prend à son compte les paroles du psaume : « Dans
ma bouche, le Seigneur a mis un chant nouveau, une louange à notre Dieu. Tu ne
demandais ni holocauste, ni victime, alors j’ai dit : ‘Voici, je
viens !’ ». C’est encore lui qui parle, en reprenant les mots
d’Isaïe : « Oui, j’ai du prix aux yeux du Seigneur, c’est mon Dieu
qui est ma force. » Par le baptême d’eau et d’Esprit, ne nous sommes pas
enfants d’un même Père ? Ne sommes-nous pas donc frères dans le Seigneur
et avec lui ? Si le Christ s’applique à lui-même la phrase du prophète,
combien nous rejoint-elle aussi ! Alors, j’ose vous le redire, à vous tous
et à chacun en particulier : oui, tu as du prix aux yeux du Seigneur, ton
Dieu est ta force ! Puissions-nous, ensemble, en réponse et avec Jésus,
dire : Me voici, Seigneur, je viens faire ta volonté !
AMEN.
Michel
Steinmetz †
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