« Dis, Papa ! C’est quand qu’on arrive ? ». Cette
interrogation, que de fois ne peut-elle pas être lancée, par les enfants au long
d’un voyage ! Et que de fois ne provoque-t-elle pas chez le questionné un
agacement certain. « Dis, Papa ! C’est quand qu’on arrive ? ».
Cette question, nous la posons de manière tout aussi compulsive à Dieu. Mais
quand adviendra donc la fin ? Quel est le moment où le Christ reviendra ?
Entendez : pour qu’il nous trouve prêts et aussi – avouons-le – pour arrêter
de jouer avec la vie et prendre une posture enfin un tant soit peu sérieuse.
Car si nous connaissions ce moment, nous pourrions nous organiser et planifier
notre conversion. Or, précisément, nous ne savons pas. Et nous nous trouvons assez
paradoxaux : à la fois nous
désirons que ce monde change, qu’il passe et qu’il soit tout entier transformé
par l’amour irradiant de Dieu et nous nous complaisons, en des comportement individuels
et collectifs, à ne pas trop hâter ce jour.
Saint Augustin avait dit, en parlant du Christ : « Via viatores quaerit » (Je suis la
voie qui cherche les voyageurs). Oui, frères et sœurs, nous sommes en
chemin. C’est un voyage que la vie nous fait
faire et nous n’en connaissons pas le terme. Ou, plutôt, ce que nous savons
comme ferme et assuré, c’est que l’issue de ce voyage est la sainte cité de
Dieu, « la montagne de la maison du Seigneur » qui se tient « plus
haut que les monts » et « s’élève au-dessus des collines ». Et
voilà sans doute pourquoi, d’année en année, le temps de l’Avent veut nous
remettre en marche, avec allant et entrain. Nous ne sommes pas livrés au néant.
Pour nous, l’Histoire a un sens et donc un avenir. Le Christ Seigneur en est la
clé de compréhension et il nous entraîne à sa suite, « voie qui cherche
les voyageurs ».
Commencer
par la fin, voilà qui n’est pas banal ! Nous débutons l’année liturgique par un
enseignement de Jésus qui annonce sa venue à la fin des temps et qui nous
invite à la vigilance afin d’être prêts à l’accueillir à tout moment : «
Tenez-vous donc prêts, c’est à l’heure où vous n’y pensez pas que le Fils de l’homme
viendra ! ». C’est que le temps de l’Avent est à la fois le temps du
commencement et celui de la fin. Je vous invite certes à considérer votre vie
personnelle, mais plus largement encore l’histoire de l’humanité. La naissance de
Jésus a très secrètement bouleversé le cours de l’histoire humaine. Car Celui
qui est né de Marie, c’est l’Emmanuel, Dieu « en personne » qui a décidé de
venir pour être avec nous, pour habiter quotidiennement au cœur de nos histoires,
jusqu’à la fin des temps (cf. Mt 28,20).
La force du chrétien est de croire que la nouveauté promise s’est infiltrée en
profondeur en ce monde et que la nuit ne l’emportera jamais sur le jour. Notre
vie ne s’arrête pas à ce que nous en percevons. Elle a une dimension cachée,
secrète et subversive. Ainsi, quand la ville de Jérusalem est assiégée par les
armées assyriennes, le prophète Isaïe annonce que Dieu va libérer son peuple et
réunir toutes les nations sur sa montagne sainte, à Jérusalem. Au moment où les
armes menacent de tuer, il a l’audace de faire cette annonce : « Des épées, on
forgera des socs de charrue, des lances, on fera des faucilles. On ne lèvera
plus l’épée nation contre nation. On ne s’entraînera plus à faire la guerre. »
C’est l’espérance qui donne cette audace au prophète Isaïe ; il sait que Dieu
va venir sauver ce monde de ses guerres fratricides. Cette semaine, lors de son
voyage au Japon, le pape François a lancé un appel pressant aux gouvernants et
aux consciences pour renoncer à l’arme atomique – « immorale » –, à la dissuasion
– une « fausse sécurité » – et pour engager une démarche « collective et
concertée » vers « une paix désarmée » qui, seule, peut « garantir un avenir
commun » dans un monde globalisé et conscient de la vulnérabilité de la
planète. A chaque fois que nous aurons ainsi progressé chacun dans son cœur, et
nos sociétés par l’engagement de chacun, nous nous rapprocherons du temps où,
enfin, Dieu pourra nous trouver prêts.
« Dis,
Papa ! C’est quand qu’on arrive ! ». Saint Paul le rappelait
comme une vérité élémentaire : « le salut est plus près de nous
maintenant qu’à l’époque où nous sommes devenus croyants ». Alors, frères
et sœurs, « c’est le moment, l’heure est déjà venue de sortir de votre
sommeil. » et d’éveiller vos consciences.
AMEN.
Michel Steinmetz
†
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