Nous sommes heurtés par les paroles de Jésus : « Celui qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple ». La pilule a du mal à passer, non ? Et pourtant. L’affirmation est sans ambages. Le Christ nous appelle à une conversion de valeurs. A vue humaine, cette abandon de la mondanité est difficilement admissible, mais il le devient au moment où l’on réalise que l’on a plus à gagner en Le suivant. Les choses de ce monde passent ; la vie éternelle, elle, non.
L'auteur du livre de la Sagesse le faisait déjà comprendre. « Nos
pensées sont instables », et nous connaissant leur versatilité. Tant de paramètres
sont ici en jeu et qui font que « notre corps périssable appesantit
notre âme ». Nous sommes tiraillés par notre envie de posséder comme si
nous nous bâtissions par là une éternité ; nous sommes tiraillés par des
désirs piquants et parfois paradoxaux. Nous désirons le Seigneur, entrer dans
ses voies, et comme si nous étions retenus à la taille par un élastique nous revenons
en arrière.
L'attitude de Jésus est pleine de sens. Peut-être n’avez-vous
pas prêté attention aux petits détails de l’évangile. Dans le passage que nous
venons d’entendre, nous attention est attirée, et à juste raison, par les
paroles fortes qui sortent de la bouche du Seigneur. Comment peut-il d’ailleurs
exiger de tels renoncements pour lui-même à ceux qui – tout compte fait – font quand
même preuve de bonne volonté en voulant marcher à sa suite ? N’est-il pas
trop égoïste ? Ces conditions semblent disproportionnées. Ici, cependant,
c’est l’attitude de Jésus qui révèle le sens profond de son exigence. Tout est
contenu dans ce petit verset : « Il se retourna et leur dit. »
Imaginez un instant la scène. De « grandes foules », nous dit saint Luc,
suivent Jésus. Ce qui veut dire que dans les rangées les plus éloignées,
certains ne distinguent même plus qui ils suivent. Un peu comme dans de grandes
manifestations où le risque devient de savoir pourquoi on est là ! Certains,
dans l’évangile, pourraient donc tout simplement suivre le mouvement, comme des
moutons, ou suivre le voisin de devant. Jésus ressent le besoin de s’arrêter
pour rappeler le sens de la démarche qu’ils entreprennent. S’il se retourne, c’est
bien pour voir ceux qui sont derrière, c’est-à-dire ses disciples. Jésus
signifie par son geste que la position du disciple est de suivre le maître et
personne d’autre. En réalité, Jésus, en se retournant, confirme ses « suiveurs »dans
la posture de « disciples ». Ils le sont déjà, mais il faut encore le
devenir. Ils ont déjà commencé à renoncer à tout pour lui, il les conduira
jusqu’au don total de leur vie.
Celui qui veut suivre Jésus, qui s’efforce d’être chrétien, doit
réfléchir et se demander s’il est prêt à tout mettre en œuvre pour le faire
sérieusement. Sinon il sera comme le bâtisseur d’une tour, qui n’a pas assez
d’argent pour l’achever, comme un chef des armées qui risque une guerre
inconsidérément.
Jésus met en garde contre le fait d’être chrétien à moitié, un
« chrétien à cinquante pour cent », un « demi-chrétien »,
bref un « chrétien au rabais ». Cela ne convainc personne et produit
scandale et rejet. Comment devenons-nous des chrétiens à part entière, des
chrétiens crédibles ? Ce qu’indique Jésus est clair : quand nous
mettons Dieu à la première place sans « si » ni « mais »,
alors toute notre vie trouve le bon cap. La faire à moitié ne marche pas !
Pour devenir disciple, Jésus n’invite curieusement pas à s’asseoir et à
réfléchir grandement, au contraire : « celui d’entre vous qui ne
renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple ».
Avoir les mains vides, voilà la force du disciple ! Moins il peut compter
sur ses propres forces, plus il est disponible pour s’appuyer sur Dieu seul.
Cette sagesse-là va bien au-delà de la sagesse humaine, il faut que l’Esprit de
Dieu vienne l’enseigner.
Suivre Jésus, c’est lui faire confiance. Suivre Jésus, c’est tout mettre
en œuvre et en ordre dans sa vie pour tenir le choix fondamental que nous
aurons fait. Suivre Jésus, c’est le mettre à la première place, parce qu’il lie
et noue notre personne pour la faire communier, par sa croix, à sa
résurrection.
AMEN.
Michel Steinmetz †
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