Vendre son âme au diable. Quand on y pense,
l’expression fait froid dans le dos. Mais Jésus dit-il autre chose ?
« Vous ne pouvez servir deux maîtres à la fois ». Si vous vous
détournez de Dieu, vous rejoignez inévitablement l’autre, celui qui n’est pas
Dieu. Il est donc bien question ici de la liberté. Liberté de croire, liberté
d’agir, liberté de penser. Et le baptême qui fait de nous des enfants de Dieu
veut nous rendre précisément libres, de la sainte liberté des enfants de Dieu.
Or cette liberté n’est pas libertaire. Elle n’est pas de l’ordre d’une
permissivité désordonnée. Elle se fond sur un choix premier et
fondamental : le choix de Dieu, le choix pour Dieu. C’est en ce sens que
saint Augustin peut affirmer : « aime et fais ce que tu veux ».
Aime comme Dieu, aime parce que tu te sais aimé de Dieu et dès lors pur toi il
n’y aura plus d’entraves. Tu goûteras à la liberté, pas celle des succédanés du
monde, mais celle qui t’ouvre les portes de l’éternité.
Le prophète Amos met en garde ceux qui
« écrasent le malheureux ». Le choix qu’ils font, l’orientation
qu’ils retiennent pour leur vie les entraîne à leur perte et sont lourds de
conséquence. Leurs magouilles, leurs petits arrangements entre amis, leurs
accommodements frauduleux atteignent les plus pauvres. Dieu n’oubliera pas.
D’emblée vous remarquez que le courroux de Dieu ne s’abat pas sur eux. Ce sont
eux qui commencent par se détourner de lui. Le droit français lui-même
l’affirme – sans doute en est-il redevable à la foi chrétienne : « la
liberté s’arrête là où commence celle d’autrui ».
Celui que nous fêtons en ce jour, saint
Maurice, le saint patron de cette église, est un magnifique exemple de
l’exercice éclairé de la liberté. Alors qu’on le presse à sacrifier en
l’honneur des dieux de l’Empire, il affirme la séparation des pouvoirs : «
Empereur, nous sommes vos soldats ; nous sommes prêts à combattre les ennemis
de l'empire; mais nous sommes aussi chrétiens, et nous devons fidélité au vrai
Dieu. Nous ne sommes pas des révoltés, nous aimons mieux être des victimes que
des bourreaux : mieux vaut pour nous mourir innocents que de vivre coupables ».
Le courage ainsi exprimé jusqu’au don sa vie est inscrit en nous par la grâce
du baptême. Avant de le recevoir l’Eglise demande au catéchumène, ou aux
parents de l’enfant, s’ils sont prêts à renoncer tout d’abord au mal, à son
auteur, « à ce qui conduit au péché », puis, ainsi libérés, à dire
leur foi au Dieu Trinité, Père, Fils et Esprit-Saint. Ce qui a été ainsi reçu
un jour, se recouvre parfois d’un voile d’opacité à chaque fois que nous
empruntons des chemins qui nous détournent de Dieu. Nous pensons nous libérer,
faire l’exercice courageux d’une liberté désaliénée et nous tombons paradoxalement
dans les griffes d’emprisonnements mortifères. A chaque fois que nous cédons
aux sirènes des courants de pensée à la mode, que nous nous contentons de
penser comme tous les autres, que nous entrons dans la course à
l’enrichissement sans limites, notre cœur se sent comprimé.
Il est des moments de l’Histoire où la
conscience humaine se doit d’être éclairée par la grâce de Dieu, de ces moments
où, quand la dignité humaine est malmenée, il convient de s’opposer. Mais plus
encore que de prononcer des paroles, ou de manifester, il devient urgent de témoigner
d’une manière de vivre inspirée par la liberté de Dieu qui fait la grandeur de
l’homme. Car saint Maurice aurait pu se contenter d’un beau discours jeté à la
face de l’empereur Maximien. Il a été plus loin : jusqu’à vivre en sa
chair ce qu’il estimait d’un prix supérieur encore à sa propre vie.
Sûrs de son intercession, demandons-lui de nous
aider à faire le choix de Dieu, résolument, avec une conscience libre et
éclairée. Il ne sera plus question de vendre son âme au diable, car c’est en
Dieu que nous aurons mis toute notre confiance et notre joie.
AMEN.
Michel Steinmetz †
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