Si vous avez suivi l’actualité
ecclésiale de ces derniers jours, vous avez sans doute, comme moi, ressenti un
sentiment mêlé de colère et d’incompréhension. Chaque nouvelle révélation semble
nous faire tomber toujours plus bas dans le sordide. Alors nous nous demandons :
comment cela est possible ? Certes, pour reprendre la belle et juste expression
du Père Congar, « sainte Eglise de pauvres pécheurs », la faiblesse
humaine n’épargne ni les baptisés à qui Dieu offre son salut, ni même parmi eux
les prêtres. Mais trop, c’est trop. Il y a des limites au supportable. C’est
vrai, nul se saurait se glorifier d’avoir vaincu le péché une fois pour toutes ;
certes on peut voir dans cette infamie la main de Satan, comme le rappelait le
pape François, dont certains consentent à devenirs l’outil ; certes Dieu
éprouve son Eglise pour la purifier en profondeur en la guidant au désert. Mais
quand même… Tout cela est difficilement supportable.
La liturgie de ce
jour fait résonner dans nos assemblées cette parole du Christ : « Le
disciple n’est pas au-dessus du maître ; mais une fois bien formé, chacun
sera comme son maître. » Voilà peut-être une clé pour entrer dans ce
mystère qu’il faut nous vivre et traverser comme une Pâque qui nous fera mourir
à nous-mêmes pour faire plus de place au Christ Seigneur. Car il ne s’agit pas
temps de dénoncer un cléricalisme qui ferait guider un aveugle par un autre
aveugle, mais de reconnaître que tout abus de pouvoir, que tout détournement de
pouvoir est hautement dangereux. Le disciple n’est pas au-dessus du maître. Il
ne peut se prévaloir d’occuper cette place. Cet orgueil et cette impunité lui
deviendraient fatals. Péché originel qui valut d’être chassé du Jardin de Vie. Cette
maladie spirituelle en entraîne une autre : l’hypocrisie. Elle consiste à
voir la paille dans l’œil de l’autre en oubliant la poutre qui est dans le nôtre.
Hypocrisie qui rend impossible l’unification de la vie en le dédoublant de
manière quasi-schizophrénique.
Toute la vie
spirituelle, celle qui n’en finit pas jusqu’à notre dernier souffle, vise
précisément à devenir à la fois unis avec nous-mêmes et unis au Christ. Unis
avec nous-mêmes en se faisant rejoindre ce que nous pensons, ce que nous disons
et ce que nous posons comme acte conscient. Unis au Christ, par la communion
que voudrait nourrir et renouveler en nous la participation à l’eucharistie. L’une
et l’autre vont de pair et agissent en nous comme une bienfaisante purification
qui nous donnera part à la Pâque de Jésus.
C’est cette unité
intérieure et personnelle qui nous fera porter de beaux fruits. Au jour du
Jugement, nous ne serons pas interrogés sur des concepts, nous ne nous défendrons
pas avec des discours, mais ce sont les gestes d’amour vrai, ceux qui auront
respecté et fait grandir les autres, qui feront peser la balance du côté de la
vie offerte en plénitude. Dieu voit au plus profond du cœur. Nous tomberons les
masques devant Lui. « Un bon arbre ne donne pas de fruit pourri ; jamais
non plus un arbre qui pourrit ne donne de bon fruit. Chaque arbre, en effet, se
reconnaît à son fruit : on ne cueille pas des figues sur des épines ; on ne
vendange pas non plus du raisin sur des ronces. »
Le Christ prend le
soin de préciser qu’ « une fois bien formé, chacun sera comme son maître. ».
Et nous nous rappelons qu’à l’origine du monde le Créateur nous fit « à
son image et à sa ressemblance ». Le péché, lui, se plaît à déformer de
ses souillures cette « conformation ». Il nous défigure. Il nous faut
donc, frères et sœurs, consentir à nous laisser refaçonner par le Seigneur. Qu’Il
arrache de son Corps, qui est l’Eglise, les souillures qui la polluent. Qu’Il
veuille revêtir par sa grâce notre « être périssable » de « ce
qui est impérissable » et nous donne un « cœur bon ». Comment ne
pas nous laisser réconforter par l’Apôtre lui-même : « frères
bien-aimés, soyez fermes, soyez inébranlables, prenez une part toujours plus
active à l’œuvre du Seigneur, car vous savez que, dans le Seigneur, la peine
que vous vous donnez n’est pas perdue » ?
AMEN.
Michel Steinmetz †
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