Que d’appels à la
joie ! Appel de Sophonie adressé à Israël, à Jérusalem, appel de Paul
adressé aux Philippiens, appel du psaume : « Jubile, crie de joie » (Is
12). Ces appels à la joie peuvent nous paraître quelque peu décalés, surtout en
ces jours où la folie meurtrière a frappé notre ville. Décalés encore car pour
beaucoup d’entre nous, ce qui les frappe davantage dans leur existence, ce ne
sont pas les causes de se réjouir, mais plutôt les causes de s’attrister ou de
se plaindre. Alors nous nous disons : est-ce que cette parole de Dieu n’est pas
une sorte de mantra que l’on répète comme si, à force de le dire, cela finirait
par arriver ?
Il faut nous rendre
compte que ces appels à la joie ne s’adressaient pas à des gens qui étaient
dans des situations particulièrement heureuses, car lorsque Sophonie s’adresse
à Jérusalem et à Israël pour les appeler à la joie, ce n’est pas dans la
période la plus prospère et la plus paisible de son histoire, mais plutôt dans
une période de tiraillements avec des voisins puissants qui se font la guerre.
Ils ont donc davantage l’expérience de la souffrance que l’expérience du
confort et de la paix. Quant aux Philippiens, petite communauté dans une grande
cité païenne, il y a fort à parier qu’ils n’étaient pas vraiment dans une
situation particulièrement enviable. Et pourtant c’est à eux que Paul dit : «
Soyez toujours dans la joie… » (Ph 4,4).
Mais alors quel est
le fondement de cette joie ? Quelle est la source qui permet à ses hommes et à
ses femmes, ballotés par les forces contraires de l’histoire, de trouver un peu
de paix, de sérénité et de joie ? L’Écriture nous en donne la clef : « Le
Seigneur ton Dieu est en toi… Il te renouvellera par son amour » (So 3,17). Et
saint Paul dit aux Philippiens : « Le Seigneur est proche » (Ph 4,5). La
source de la joie, c’est qu’au cœur de nos épreuves, de nos souffrances, des
contradictions de l’histoire humaine, Dieu est proche, Dieu est présent. S’il
se fait proche de nous, nous savons que nous ne périrons pas parce qu’il nous
tiendra dans sa main. Cette certitude change complètement la manière de lire
les événements et de les vivre.
Nous entendons la
prédication de Jean-Baptiste et nous entendons surtout les questions que lui
posent ses auditeurs : « que devons-nous faire ? » Qu’est-ce qu’il faut changer
? Vous aurez peut-être remarqué que la réponse de Jean-Baptiste n’est pas très
religieuse ; il ne leur demande pas des prières supplémentaires ou des
expressions de foi extraordinaires. Pourquoi ? Parce qu’il leur demande de se préparer
à l’accueil du Fils de Dieu, et le chemin pour se préparer, c’est de vivre dans
la justice. C’est pourquoi ce qu’il leur demande de faire, c’est tout
simplement de mettre leur vie en ordre, de reprendre conscience que dans leur
vie, ils font du bien et ils font du mal, et qu’ils doivent se délivrer du mal
pour progresser dans le bien.
Si nous voulons être
de vrais témoins du Christ et avoir la possibilité d’annoncer au peuple la
Bonne Nouvelle, il faut que nous ayons le souci de cette phase préparatoire qui
dispose le cœur et la liberté humaine à accueillir cette Bonne nouvelle. Il
faut que nous soyons exigeants sur les manières de vivre, il faut que nous
refusions la confusion qui se répand dans notre société où rien n’a plus de
valeur morale, où tout est pris comme équivalent, et où l’on s’interdit tout
jugement de valeur sur les actions et les manières de vivre. Il ne s’agit pas
de devenir les procureurs et les juges de nos contemporains, mais nous devons
être lucides sur notre propre manière de vivre en revenant à des critères de
jugement simples entre le bien et le mal. Tout n’est pas bon, tout n’est pas
bien, tout mérite d’être passé au crible, comme nous le dit ce passage de
l’écriture : « il vient avec la pelle à vanner et il va nettoyer son aire » (Lc
3,17).
Demandons au
Seigneur qu’il aiguise notre lucidité : nous pourrons alors être fortifiés dans
la joie de ceux qui savent que le Seigneur est proche.
AMEN.
Michel
Steinmetz †
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