Le Seigneur Jésus-Christ est entré à Jérusalem
pour la dernière étape de son ministère public. Il enseigne dans le Temple et
des scribes et des pharisiens viennent lui poser des questions. Certains
souhaitent le mettre à l’épreuve, d’autres cherchent à approfondir ce qu’ils
savent de son enseignement. L’Évangile de Marc ne nous dit pas dans laquelle de
ces catégories se situe le scribe qui l’interroge, mais la manière dont il
répond à Jésus et la conclusion du dialogue indiquent que sa remarque est
judicieuse et qu’il n’est « pas loin du Royaume. »
Le scribe cherche ce qui est l’essentiel de la
foi : le premier commandement. Certains courants du judaïsme contemporains de
Jésus, pour être sûrs de leur justice, multipliaient les commandements à
l’infini et finissaient par transformer la Loi donnée par Dieu comme signe de
libération en un carcan insupportable, même pour leur propre conduite. Nous
avons facilement tendance à condamner cet excès de légalisme. Même si nous
oublions trop souvent que ce risque nous guette, nous aussi. La recherche
continuelle de ce qui est imposé ou interdit, l’appel à des règles minutieuses,
peuvent devenir le symptôme de notre crainte ou de notre incapacité à affronter
le risque de la liberté. Un code de la route, même si on ne le respecte pas
toujours, est moins exigeant pour notre liberté que la vertu de prudence qui
nous incombe.
Bien souvent on nous pose une question
analogue à celle du scribe : qu’est-ce que c’est d’être chrétien ? Or, comme le
scribe, nos questionneurs ont déjà des éléments de réponse : être chrétien,
c’est croire en Dieu et servir notre prochain. Nos difficultés commencent quand
nous essayons d’exprimer les conséquences de ce double commandement que nous
pressentons si exigeant. Le christianisme apparaît à certains comme un carcan
trop lourd à porter, surtout dans une civilisation dominée par la satisfaction
des désirs individuels. De quel droit Dieu viendrait-il se mêler de notre vie
particulière ? Bien entendu, cette objection exprime en elle-même sa
contradiction. Si Dieu est Dieu comment pourrait-on lui contester le droit de
s’occuper de nous ? Mais notre difficulté principale ne vient pas de cette
contradiction. Elle vient de notre répugnance à accepter qu’il y ait des règles
de vie et que ces règles soient ordonnées au bien de l’homme. Nous adhérons
avec une certaine satisfaction à une religion de l’amour, mais nous acceptons
difficilement les conséquences d’un amour total, « jusqu’à l’extrême », pour
reprendre l’expression de Jésus.
Notre tentation de nous satisfaire de bons sentiments
sans en supporter le poids, n’est pas seulement un travers des chrétiens. Elle
se retrouve chez tous les croyants et même chez les incroyants. Comment vivre
en société sans reconnaître qu’il y a certaines règles de comportement qui
dépassent les désirs individuels et qui s’imposent à tous, non par moralisme ou
aveuglement, mais simplement par un exercice de notre jugement à la lumière de
la sagesse humaine et de notre conscience ? Comment ériger en règle générale,
voire absolue, ce que chacun désire ou expérimente et ce qu’il veut faire
reconnaître comme une règle commune par tous ?
AMEN.
Michel Steinmetz
†
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