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vendredi 28 septembre 2018

Homélie du 25ème dimanche du Temps ordinaire (B) - 23 septembre 2018

Homélie de la messe d'installation




" Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » C’est la liturgie de l’Eglise qui nous donne à méditer ce texte en ce jour. Il n’a pas été choisi pour l’occasion. J’imagine certains sourires en coin, à vrai dire parfaitement justifiés, ceux des personnes qui se disent que c’est une belle leçon faite au nouveau curé. Ils ont raison. Car le prédicateur se prêche à lui-même aussi. Voilà que, cependant, me revient à l’esprit la belle formule : « serviteur des serviteurs de Dieu ». C’est le pape saint Grégoire le Grand qui se désigne ainsi au VIe siècle, et ce titre sera depuis appliqué à tous les pontifes. Il dit quelque chose de fondamental. Notre vocation est d’être un serviteur. Pourquoi ? Non par plaisir, non par soumission, non par dépréciation personnelle, mais par obligation. Le disciple du Christ tend à ressembler de manière toujours plus parfaite au Christ. C’est le sens fondamental de l’eucharistie que nous célébrons ensemble : en nous reconnaissant de Lui, en devenant toujours plus son Corps, nous voulons grandir en communion avec Lui, ou pour le dire autrement : être unis à Lui. Et pour Lui ressembler, il faut être comme Lui : un serviteur. C’est ainsi que la Bible désigne l’envoyé de Dieu : comme Serviteur souffrant, rappelez-vous la première lecture de dimanche passé. Le Christ enseigne à ses disciples qu’il sera « livré aux mains des hommes » et tué.



Le passage que nous venons d’entendre se situe immédiatement après la transfiguration de Jésus sur la montagne. Comme pour ramener les esprits de Pierre, Jacques et Jean aux conditions et aux contraintes de la mission, le Seigneur leur annonce une seconde fois sa passion, sa mort et sa résurrection. Les trois privilégiés qui l’ont vu dans sa gloire et à qui il a interdit d’annoncer ce dont ils ont été témoins, vont l’entendre à nouveau prophétiser l’échec et la mort. Et l’évangile de saint Marc ajoute ici très justement, comme en beaucoup d’autres endroits : « ils ne comprirent pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger » (Mc 9, 32). L’évangile nous fait découvrir une des causes de cette incompréhension. Dans leur mentalité, le chef est le premier, celui qui tient la plus grande place. C’est pourquoi tandis qu’ils sont en train de cheminer derrière Jésus, ils discutent pour savoir qui allait devenir le chef de la petite troupe à sa place quand il ne serait plus là, puisqu’il avait annoncé par deux fois qu’il allait les quitter. Puisqu’il va partir, se disent-ils, il nous faut reprendre les choses en mains. Cette préoccupation de trouver un nouveau leader leur rend difficile d’accepter et de comprendre par quel chemin le Christ légitime son autorité sur l’Église. Car Jésus n’est pas devenu le fondateur de ce groupe apostolique en l’emportant sur quelques rivaux. Il n’est pas devenu le maître et le Seigneur en éliminant d’autres prédicateurs ou d’autres rabbins moins doués ou moins puissants que lui.  Et il veut aider ses disciples à quitter leur vision très politique et très humaine du ministère. Il leur donne une nouvelle leçon sur les conditions et la logique de la mission à laquelle ils sont appelés : « celui qui veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » (Mc 9, 35). Si quelqu’un veut le remplacer, il faut qu’il se fasse le serviteur de tous et qu’il prenne la dernière place.




Par ces paroles, Jésus ouvre un espace de réflexion sur la constitution hiérarchique de l’Église. Il y a bien une constitution hiérarchique, une autorité, des responsables, des maîtres, des docteurs et des apôtres. Mais aucun de ceux qui exercent l’autorité et la responsabilité, aucun de ceux qui reçoivent la mission de conduire et d’instruire le troupeau ou d’annoncer l’Evangile n’acquiert pour autant une position sociale qui le mettrait au-dessus de tous. Au contraire le Christ, par un raccourci saisissant, va leur faire comprendre la logique de la toute-puissance de Dieu : il prend un petit enfant et le place au milieu d’eux. Dans la société de ce temps, l’enfant était le signe le plus parlant et évident de la faiblesse et de l’insignifiance. L’actualité dramatique de l’Eglise nous fait redécouvrir avec force, tristesse et colère ce que nous n’aurions jamais dû oublier et le péché de certains éclabousse et salit les aspirations à la sainteté de tous les autres. Jésus prend donc cet enfant, l’embrasse et dit : « Celui qui accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille » (Mc 9, 37). Pour définir sa position hiérarchique, Jésus ne prend ni le modèle du roi, ni celui du procurateur ou du grand prêtre, ni non plus celui du rabbin ou même celui du père ou de l’époux. Jésus prend dans la société de son temps le modèle de l’enfant, de celui qui est soumis à tous. Si nous voulons vraiment accueillir le Christ, il nous faut l’accueillir comme un enfant, comme quelqu’un qui ne s’impose par aucun pouvoir. Et il y a plus encore. Celui qui accepte de comprendre que le Christ ne vient pas pour imposer son pouvoir mais pour manifester la vérité et pour apporter le salut, découvrira qu’à travers lui, celui qui se manifeste et que nous accueillons est plus que la personne de Jésus, mais vraiment Dieu lui-même ! En ce raccourci saisissant, le Dieu tout puissant est identifié à la faiblesse complète de cet enfant placé au milieu des douze. Celui que nous connaissons comme le maître des univers, celui dont la toute-puissance est à l’origine de toute vie, celui qui ressuscitera le Christ d’entre-les-morts, est au milieu de nous comme un enfant.



Dès lors, toutes les missions que nous exerçons dans l’Église, nous qui sommes participants de sa vie, de sa marche, de son enseignement et de son action ; ces missions ne nous constituent pas maîtres, mais font de nous des serviteurs et des enfants. Vous savez comment cette réalité sera mise en évidence par le Christ dans le lavement des pieds et le discours qui suivra : « Vous m’appelez le Seigneur et le maître et vous avez raison. Mais si moi qui suit le maître et le Seigneur, je me suis fait votre serviteur, vous devez vous faire vous aussi les serviteurs les uns des autres » (Jn 13, 13-14).



Peut-être connaissez-vous le proverbe chinois qui dit : quand le sage désigne la lune, l’idiot regarde le doigt. Alors, frères et sœurs, de grâce, ne restez pas aujourd’hui les yeux rivés sur votre nouveau curé, mais ensemble, s’il vous plait, tournons les yeux vers Celui qui est notre modèle et notre maître, Celui qui nous donne la mesure du service que nous accomplirons ensemble.

 

AMEN.

 


Michel Steinmetz






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