« Vers toi j’ai les yeux levés,
vers toi qui es au ciel,
comme les yeux de l’esclave
vers la main de son maître. »
C’est
précisément ce que nous venons faire ce matin, ici, au Horn. Depuis le départ
de notre procession tout à l’heure, jusqu’ici, sous la statue du Sacré-Cœur,
nos yeux sont tournés vers Lui, le Seigneur étincelant de sa gloire et nous
ouvrant généreusement ses bras. Nous comprenons désormais mieux ce que le
psaume nous faisait chanter et que saint Augustin exprime admirablement quand
il dit : « notre cœur est sans repos, tant qu’il ne repose en toi. »
Ce mouvement de notre regard nous distingue d’ « une nation rebelle qui [se
serait] révoltée contre [Dieu] » pour reprendre l’expression du prophète
dans la première lecture. Peut-être venons-nous à Lui de manière confuse, sans
vraiment savoir ce que nous pourrions Lui demander ou attendre de Lui. Finalement
peu importe. L’essentiel est d’être là et de tourner nos yeux vers Lui.
Ce
jour-là, pour le culte du shabbat, le chef de la synagogue invite Jésus à
prêcher. Il fait son retour au pays, après l’avoir quitté pour rejoindre Jean
le Baptiste. Il revient, entouré de disciples ; sa renommée ne cesse de grandir.
Ce matin de l’office, tout le village, intrigué, curieux, se presse dans le
petit édifice. Nous aussi, nous sommes curieux et nous voudrions en savoir un
peu plus. Alors Jésus enseigne comme il le fait depuis le début à Capharnaüm
(2, 13). Que dit-il ? De quoi parle-t-il ? Marc se garde de rapporter le
contenu des enseignements de Jésus. L’essentiel, c’est le mode de sa parole : «
il parle avec autorité » c’est-à-dire de lui-même, sans s’appuyer sur des
maîtres, sans enfiler des citations savantes (1, 22). Si bien que la question
n’est pas « Que dit-il ? » mais « Qui est cet homme qui ose s’exprimer de la
sorte ? ». Marc souligne très fortement l’ébahissement de l’auditoire : «
frappé…scandalisé ». Complètement « soufflé » dirait-on. « D’où ça lui vient-il
? ». Quelle est l’origine de sa prédication, comment peut-il accomplir ces
miracles, dont on parle partout ? C’est un artisan, un manuel, toujours resté
au village, pieux certes, mais n’ayant jamais suivi la formation savante des
scribes. On connaît bien sa famille. Jésus formule un constat général : Un
prophète est méprisé, non reconnu, dans son pays et chez les siens.
Manque
d’accueil, de reconnaissance, de foi ! Jésus est impuissant à accomplir des
miracles. En effet son « autorité » n’est pas mécanique, elle ne viole pas les
consciences. De même qu’une maison doit ouvrir ses volets pour que la lumière y
pénètre, ainsi l’homme doit être humble, prêt à demander, accessible, afin que
la force du Royaume puisse se déployer en lui. Sinon Jésus serait un magicien
qui joue des tours, qui s’amuse de la crédulité du public.
Pas
question de se mettre en colère, d’accabler ces gens de reproches cinglants ni
de les condamner à l’enfer. Inutile de s’acharner, de vouloir à tout prix
obtenir des résultats. Jésus ne se décourage ni ne s’arrête jamais : il reprend
sa route et s’en va porter la Parole ailleurs. Avant de nous disperser pour le
temps de l’été, il nous faut nous interroger : sommes-nous de ces
habitants de Nazareth ? Accueillons-nous encore la parole d’autorité de
Jésus ou l’empêchons-nous de faire des miracles ? Ne sommes-nous pas tous
devenus comme les villageois de Nazareth, des chrétiens blasés qui disent « je
sais », qui croient connaître Jésus, qui répètent des formules figées une fois
pour toutes et ronronnent les mêmes cantiques ? N’avons-nous pas « momifié
» Jésus, au point peut-être de nous contenter de Le regarder de loin, ici sur
la colline plutôt que de Lui faire une place dans notre cœur ? Son
« enseignement » doit à nouveau résonner chez nous « avec
autorité » : comme une Parole forte, une Parole qui appelle à croire.
AMEN.
Michel Steinmetz †
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