Les disciples sur le chemin d’Emmaüs ont été témoins des événements de Jérusalem,
comme ils le disent à Jésus en marchant avec lui. Les disciples auxquels Jésus
apparaît ensuite ont été eux aussi témoins des événements de Jérusalem. Ils ont
vu ce qui s’est passé. Et même si Jésus leur apparaît ressuscité, leur fait
toucher son corps, leur montre qu’il mange comme eux, on sent bien que derrière
cette expérience, il reste toujours une sorte de zone floue. Bien sûr, c’est
lui. Bien sûr, ils le reconnaissent, ils
le touchent, ils le voient manger. Bien sûr, ils l’entendent. Il demeure quelque
chose de prodigieusement troublant : c’est Jésus, le même au point de le
reconnaître avec assurance et d’être sûr qu’il ne s’agit ni d’un fantôme si d’une
hallucination collective suscitée par l’émotion de leur deuil ; et
pourtant, ce Jésus est différent. Ce corps de gloire avec lequel il converse,
partage le repas leur apparaît comme inouï : il est ressuscité d’entre les
morts.
Qu'est-ce qui va devenir l’élément déterminant de leur reconnaissance ? Ce sera
d’abord le rappel de tout ce qui a été annoncé à son sujet dans la loi de
Moïse, les Prophètes et les Psaumes. La collection mise bout à bout comme
autant d’indices concordants des passages de l’Ecriture qui s’accomplissent en
Lui leur permet de reconnaître qu’en Lui se révèle le Messie attendu et espéré.
Sans le cheminement à travers les Ecritures, celui que nous avons fat ensemble
dans un long déploiement lors de la Vigile pascale, celui que nous faisons
chaque dimanche dans la liturgie de la Parole, il est impossible de reconnaître
Jésus de Nazareth comme Messie. Il est impossible de faire abstraction des
prophéties qui l’ont annoncé, de l’histoire qui l’a préparé, du peuple qui l’a
nourri. Et donc, nous pouvons déjà imaginer que dans notre propre
reconnaissance du Christ ressuscité la référence aux prophéties, à la loi, à la
prière d’Israël sont des éléments constitutifs de notre acte de foi. Voilà
pourquoi aussi les chrétiens que nous sommes ne peuvent se dispenser de scruter
les Ecritures et de les fréquenter avec passion.
Le deuxième élément qui ressort ici, c’est, comme les disciples au retour d’Emmaüs
le racontent à leurs compagnons, que le Seigneur s’est fait reconnaître par eux
à la fraction du pain. Nous avons en mémoire le passage de l’Évangile qui
précède dans lequel les disciples prient le Christ de rester avec eux à
l’auberge et comment au moment où il bénit et partage le pain, leurs yeux
s’ouvrent et ils comprennent que l’inconnu avec lequel ils ont cheminé est le
même qu’ils avaient connu avant. Cela veut dire pour nous que l’expérience
sacramentelle de la fraction du pain, l’eucharistie que nous célébrons semaine
après semaine, mais aussi toute l’expérience sacramentelle de l’Église, fait
partie de la reconnaissance du Christ ressuscité. C’est ce geste, pourtant si
discret, mais si plein de sens parce que posé par Jésus à la veille de sa
Passion pour en donner clé de compréhension, qui permet de reconnaître Jésus
comme Ressuscité. Plus encore, croire à la résurrection, cela veut dire que
nous sommes capables de reconnaître dans le pain qu’il nous partage le corps
qu’il a livré pour nous.
Enfin
le troisième élément constitutif de cette reconnaissance, c’est évidemment la
communion des disciples. Les deux disciples qui ont cheminé sur la route
d’Emmaüs avec Jésus reviennent à Jérusalem pour raconter leur aventure mais ils
ont une surprise quand ils arrivent à Jérusalem. Les autres qui étaient restés
là ont eu eux aussi la visite du Christ ressuscité. C’est donc la convergence,
l’addition de toutes ces expériences fragmentaires portées dans la communion de
l’Église des onze Apôtres et de leurs compagnons qui constituent le témoignage
communautaire de l’Église au sujet du Christ. Ce n’est pas chacun pris
isolément qui devient témoin de la résurrection. C’est le corps ecclésial tout
entier qui est comme constitué par la présence du Christ ressuscité et envoyé
comme nous le dit l’Évangile : « la conversion serait proclamée en
son nom à toutes les nations en commençant par Jérusalem. A vous d’en être les
témoins. »
A nous donc d’en être les témoins et de le
reconnaître comme vivant au milieu de nous en ce jour.
AMEN.
Michel
Steinmetz †
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