Arrivons-nous à
croire sans voir ? Mais si nous voulons voir à tout prix, est-ce que nous
avons vraiment la foi ? Thomas avait besoin de voir pour croire. À travers
son dialogue avec lui, Jésus nous fait comprendre que croire ce que l’on voit,
ce n’est pas vraiment la foi. Si l’évangile peut dire « Heureux ceux qui
croient sans avoir vu » (Jn 20, 29), c’est parce que croire sans voir,
c’est réellement faire confiance à celui qui nous appelle. C’est se fier
réellement à la Parole de Dieu qui nous est donnée, « pour que nous
croyons que Jésus est le Messie le Fils de Dieu et afin que par notre foi, nous
ayons la vie en son nom » (Jn 20, 31).
C’est là quelque
chose de tout à fait original, que beaucoup autour de nous ne comprennent pas,
et que nous-même ne saisissons pas complètement. Nous pensons que la
connaissance que nous pouvons acquérir par nos sens et notre entendement est
plus fiable que celle que nous avons du Christ que nous n’avons jamais vu. Et
nous pouvons envier les disciples qui l’on vu ressuscité. Nous pouvons même
penser que s’il apparaissait, tout le monde croirait. Mais ce n’est pas vrai,
et Jésus le dit lui-même dans l’Évangile : « Même s’ils voyaient
quelqu’un revenir d’entre les morts, ils ne croiraient pas ! » (Lc
16, 31).
Ce n’est pas à cause
de ce que nous voyons ou de ce que nous connaissons par notre intelligence que
nous croyons. Le fondement premier de la foi, c’est la confiance que nous
mettons dans la Parole de Dieu. Certes, notre foi ainsi fondée s’enrichit et se
fortifie par le travail de notre connaissance. Mais pour nous, cette
connaissance ne porte pas sur la personne historique de Jésus, que personne n’a
vue de ses yeux depuis l’Ascension et que personne ne verra jusqu’à son retour.
Nous croyons sans avoir vu le Christ. Comme saint Pierre l’écrit dans sa
première épitre : « Nous l’aimons sans l’avoir vu. Nous croyons en
lui sans le voir encore » (1 P l, 8). Cependant, nous avons tout de même
quelque chose à voir. Notre foi n’est pas aveugle. Ce n’est pas parce qu’elle
ne s’appuie pas sur l’expérience sensible, qu’elle ne s’en nourrit pas !
L’histoire de la
communauté chrétienne depuis la résurrection nous donne à contempler des
réalités et des expériences. Il y a notamment le signe du pardon, de la
réconciliation et de la miséricorde. C’est la mission que le ressuscité confie
à ses apôtres, et pour laquelle il leur donne l’Esprit-Saint. L’efficacité de
ce pouvoir extraordinaire donné par Jésus à ses disciples devient, par la
puissance de son Esprit, un signe sensible de l’action du Christ ressuscité au
cœur de l’humanité. Tous, nous pouvons découvrir que l’amour de Dieu est plus
grand que le mal que nous pouvons faire, que sa volonté de réconciliation est
plus forte que l’endurcissement de nos cœurs, que la haine n’est pas le dernier
mot de l’histoire humaine. De tout cela nous pouvons faire l’expérience
sensible : nous connaissons des gens (nous d’abord !) qui sont des
pécheurs et nous vérifions que leur foi devient une force, qui leur permet de
surmonter la faiblesse de leur cœur.
Thomas était devenu
un isolé. Il s’était mis à part du groupe, de la petite Eglise des Apôtres,
claquemurée « par peur des Juifs » ; Plus que son absence
physique au soir de Pâques quand Jésus apparaît aux siens, c’est son
scepticisme qui le met à part. Là encore Jésus ressuscité prend le soin de le
réconcilier, c’est-à-dire de le réintégrer. Nous-même, il peut nous arriver de
douter, de nous demander si tout cela est vrai, et à chaque fois le Christ nous
invite à reprendre place dans la communauté de « ceux qui croient sans
avoir vu ». Non pas qu’il s’agirait d’une démission de notre part, de notre
intelligence, mais du fait que nous nous reposons sur la foi de nos frères
quand la nôtre viendrait à défaillir.
Alors, oui, nous
croyons sans avoir vu le Christ, nous croyons plus fermement en voyant les
fruits de la puissance du Christ agissant par son Esprit. La mission que nous
avons reçue est de manifester les fruits de sa grâce à travers notre manière de
vivre, de faire confiance, de manifester la force du pardon. Notre vie peut
témoigner que le Christ est vainqueur de la mort.
AMEN.
Michel Steinmetz †
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