Vraiment,
on n’a jamais trouvé personne de plus déterminé, patient et passionné que Dieu !
Le récit du livre des Chroniques nous le montre même de façon paradoxale. Alors
que les appels répétés de Dieu à la conversion pour respecter la sainteté de la
maison du Seigneur à Jérusalem étaient restés lettre morte, alors que Jérusalem
avait perdu ses remparts et subi l’invasion, alors que les Babyloniens avaient
brûlé la maison de Dieu et incendié tous les palais, tout semblait
irrémédiablement et définitivement perdu. Et voilà que Dieu, persévérant dans
son désir de voir son peuple rétabli et son alliance restaurée, suscite un
Sauveur. Mais celui-ci n’est pas le Sauveur auquel on s’attendait. Il n’est pas
juif. Il s’agit de Cyrus, c’est le roi de Perse. Pour mener à bien son projet
de salut, Dieu va chercher des exécutants en dehors de son peuple et en dehors
de l’alliance. Nous disposons de quelques autres exemples à travers la Bible,
de païens que Dieu appelle pour montrer le chemin à son peuple. Oui, Dieu se
plaît à écrire droit avec des lignes courbes. Et c’est vrai aussi pour notre
propre existence.
Si
Dieu est miséricorde, la façon dont va le monde, dont nous conduisons aussi nos
propres vies, doit être en transformée. C’est-à-dire comment, à l’image de ce
que Dieu fait pour nous, gérons-nous nos relations les uns avec les autres ?
Comment en est modifiée la façon dont les nations, les peuples, les chefs des
peuples sont en relation les uns avec les autres ? Nous voyons bien que la
manière dont beaucoup de nos contemporains interprètent les rapports entre les
peuples et les rapports entre les chefs des peuples est davantage commandée par
le sens de la compétition, de la volonté de domination, de la confrontation,
que par le sens de la miséricorde. Cela apparaît clairement dans un certain
nombre de conflits actuels, par exemple en Syrie. Mais aussi, cette semaine,
dans des guerres commerciales qui s’annoncent et qu’un certain dirigeant
mondial estime comme légitimes. La logique de la confrontation, de la position
exclusive ne peut pas conduire à des solutions pacifiques, ni à des solutions
politiques, elle ne peut conduire qu’à l’exacerbation de la violence.
Dire
de Dieu qu’il est un Dieu de miséricorde n’est pas une facilité ! La
miséricorde de Dieu n’est pas un renoncement au jugement moral sur le bien et
le mal. C’est à l’inverse de la déclaration assez surréaliste du président du
comité national d’éthique qui déclarait la semaine passée ne pas savoir ce qui
est bien ou mal. Cela fait froid dans le dos au moment de la révision des lois sur
la bioéthique. Le Dieu de miséricorde n’est pas un Dieu qui ferme les yeux,
pour n’avoir pas à se prononcer ! C’est un Dieu qui voit le mal dont
souffrent les hommes, qui voit le mal qui touche le cœur de l’homme et qui
cherche les chemins pour ramener la paix et la vie. Celui qui va rendre la vie,
c’est celui qui est levé comme le serpent d’airain au désert. Le serpent
d’airain, c’était la figure de la source de la mort, car c’étaient les serpents
qui apportaient la mort. Moïse, en dressant ce serpent d’airain, donne comme
une anti-image de la mort, et ceux qui le regardent sont guéris. L’évangile de
Jean, en utilisant cette référence de la période du désert, applique évidemment
cette vision à la figure du Christ. Le Christ est dressé comme un signe de
mort, et ceux qui lèvent les yeux vers lui, avec foi, sont guéris.
S’il
y a un jugement, ce n’est pas Dieu qui juge ; c’est l’homme qui juge, car
le jugement, c’est que les hommes n’ont pas pu accueillir la lumière parce que
leurs œuvres étaient mauvaises. La source du jugement, c’est ce que nous avons
dans le cœur ! Ce n’est pas une supposée malice de Dieu. À mesure que nous
approchons de cette célébration de la mort et de la résurrection du Christ, la
liturgie nous invite à entrer plus profondément dans cette méditation sur la
profondeur de la miséricorde de Dieu, sur l’immensité de son amour, sur
l’inventivité dont il fait preuve pour aller à la recherche des hommes jusqu’au
don ultime : Dieu a tant aimé le monde qu’il a envoyé son Fils.
AMEN.
Michel Steinmetz †
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