Dans cet évangile, les femmes ont eu peur (Mc 16, 8). Elles ont
certainement eu peur en trouvant le tombeau vide. Mais elles ont eu plus peur
encore quand cet homme vêtu de blanc – un ange vraisemblablement – leur a dit
justement de ne pas avoir peur ! La première frayeur vient de l’étonnement de
ne rien trouver là où elles avaient vu déposer le corps de Jésus. Mais la
seconde peur n’est pas une peur de surprise. C’est une peur de mission. En
effet, le jeune homme leur a dit de rejoindre les disciples, et de leur
annoncer qu’elles avaient trouvé le tombeau vide et que Jésus était ressuscité
(Mc 16, 6-7).
Nous qui sommes chrétiens depuis plus ou moins longtemps, nous faisons
peut-être un usage un peu facile du vocabulaire de la Résurrection. Nous disons
ou nous chantons : « Il est ressuscité », comme si cela allait de soi, et
comme s’il était raisonnable de croire qu’un mort puisse ressusciter ! Il nous
est difficile d’imaginer la mission que les femmes ont reçue, celle d’être les
premières à annoncer que Jésus était ressuscité et qu’il les précédait en
Galilée comme il le leur avait dit (Mc 16, 7). Ce n’est pas parce qu’elles
étaient plus timides ou plus faibles que d’autres qu’elles ont eu peur
d’annoncer la Résurrection du Christ. Elles étaient effrayées parce que c’est
un message redoutable à proclamer ! Cela revient en effet à prendre position
sur l’événement le plus inévitable de la vie de chacun d’entre-nous : notre
propre mort. S’il y a une chose dont tout le monde est sûr, c’est qu’il mourra.
Et celui qui vient nous annoncer qu’il ne mourra pas nous raconte des
histoires. Il est donc difficile de prendre au sérieux celle qui vient annoncer
aux apôtres : Celui que vous avez vu crucifié sur le calvaire : il est
ressuscité !
Tous nous vivons, bien ou mal, plus ou moins confusément. Si difficile
que soit cette vie, nous avons la faiblesse d’y tenir et de nous y accrocher.
Mais nous vivons avec la mort inscrite en nous. Avec ces femmes, Dieu nous
conduit vers ce lieu de la mort qu’est le tombeau, là où elles pensent trouver
le cadavre de Jésus. C’est une visite funèbre, triste et nostalgique s’il en
est. Mais avec les femmes, nous voulons faire cette visite, honorer le corps du
Christ mort. Avant d’accéder au tombeau, il y a une lourde pierre placée là
pour le fermer. Les femmes se demandaient comment elles pourraient déplacer
cette pierre énorme. Mais elle a déjà été roulée sur le côté ! Dans notre vie,
dans notre cœur, dans notre esprit, nous avons d’énormes pierres, d’énormes
écrans, d’énormes obstacles qui ferment l’horizon et nous empêchent d’accéder
au Christ. Comme ces femmes, nous avons besoin qu’une main puissante jette la
pierre sur le côté. Dieu le fait pour nous, Lui dont la main a fait prouesse
(ps. 117).
Et voilà que nous arrivons au tombeau. Il est vide. Mais notre foi
n’est pas de croire au tombeau vide. Un tombeau vide, c’est un tombeau vide. Si
le tombeau est vide, c’est que Celui qu’on y avait déposé est ailleurs. Nous
croyons au Christ Ressuscité. Ce n’est pas parmi les morts que l’on va
retrouver un vivant. Ce n’est pas dans un tombeau que l’on va trouver le
Christ, c’est en Galilée, sur le lieu de la mission où il appelle ses
disciples. Nous ne devons pas nous arrêter à ce tombeau vide, mais plutôt nous
laisser envoyer dire à nos frères : « Il nous précède en Galilée » (Mc 16, 7),
« Il est en avant de nous », il est déjà parti par le monde. Jésus n’est pas
enfermé dans nos souvenirs, dans ce qui reste de mort dans notre vie, dans nos
fautes, nos faiblesses ou nos résistances. Il est toujours au-delà, plus loin,
repoussant les limites que nous pensons infranchissables.
Comme les femmes ce jour-là, l’Église nous a amenés jusqu’au tombeau,
non pas pour que vous preniez une photographie du tombeau vide, mais pour que
vous soyez convaincus qu’il n’est pas parmi les morts, et que votre vie ne se
trouve pas parmi les morts.
AMEN.
Michel Steinmetz †
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