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vendredi 22 décembre 2017

Homélie de la messe de la nuit de Noël - 24 décembre 2017

Noël nous émeut. Toujours. Grands et petits. C’est pour nous un moment hors du temps, un temps béni où l’amour, la fraternité, la paix semblent pouvoir régner entre nous. Tel un éphémère instant de répit dans le tourbillon de l’absurde et du cynique du monde. Alors nous nous plaisons, voire même nous nous complaisons. Les illuminations dans nos rues, les décors de nos maisons, les effluves de (mauvais) vin chaud à l’étal des marchés de Noël, le goût des bredele, tout cela concourt à nous immerger dans ce doux rêve. Et il y a finalement bien plus encore : c’est le scintillement dans les yeux émerveillés des enfants, par-delà le vagissement d’un autre enfant, couché pauvrement dans une mangeoire. Quel contraste entre ce que nous venons d’entendre proclamer dans l’évangile et ce que nous en avons fait ! Noël se résumerait-il à ce que nous avons bien voulu en retenir par paresse et orgueil ? Chers amis, qu’avons-nous fait de Noël ?
 
Vous vous direz qu’il est opportun pour moi en cette heure de vous inviter à un examen de conscience et, pourtant, je m’y risque en vous réitérant l’appel de Paul : « renoncez à l’impiété et aux convoitises du monde, […] vivez dans le temps présent de manière raisonnable ». Comment pouvons-nous revenir au vrai Noël, à ce qu’il a paradoxalement de provocant et de violent ? Car Noël vient mettre à mal nos bonnes consciences. Déjà, Noël, ce n’est pas une fête dans le calendrier qui serait pour certains l’occasion de revendiquer une identité chrétienne en exhibant des crèches à tout va, mais dans lesquelles l’Enfant-Jésus serait réduit à un objet culturel, socle d’un patrimoine commun aux gaulois de souche. Noël, ce n’est pas plus une occasion laïque de vivre une solidarité quelque peu, et artificiellement, renforcée. Noël vient du latin natalis, qui signifie naissance. C’est donc d’abord le souvenir d’un évènement. Lequel ? Celui dont saint Luc faisait le récit. Pour mieux en saisir l’acuité, transposons-le en notre temps et tentons d’imaginer comment il serait relaté aujourd’hui par les médias. De manière prosaïque, que se passe-t-il ? Un couple, lui est plus âgé, elle sans doute mineure, doivent se soumettre à une contrainte administrative d’un recensement. La jeune fille va accoucher, mais son mari n’est pas le père biologique. Arrivés à destination, ils n’ont pas les moyens de s’offrir une chambre et sont installés de manière précaire dans un appentis sans aucun confort. Elle accouche. L’enfant est déposé au mépris des règles élémentaires d’hygiène dans une mangeoire, enveloppé dans des linges. Les suspects sont rejoints par une troupe de SDF (c’est bien ainsi qu’étaient considérés les bergers à l’époque) qui affirment avoir vu des anges. La mère déclare être enceinte par une puissance divine. Quelques jours plus tard, des étrangers sans papiers – les mages – viendront rendre visite au couple en portant sur eux de l’or – sans doute volé – et d’autres produits considérés comme illicites. Vous en conviendrez : il y aurait là de quoi alerter les services sociaux, ceux de l’immigration, etc… Des mises en examens se profileraient, sans oublier les examens médicaux et psychiatriques. Tout le monde crierait au scandale et la récupération politicienne serait immédiate : certains s’esclafferaient que de faire du feu dans une étable est source de pollution, d’autres vitupèreraient en demandant des contrôles aux frontières, d’autres enfin se scandaliseraient devant un capitalisme sauvage qui augmente les loyers et empêche les familles modestes d’avoir un logement décent. Beaucoup verraient la bien-pensance de tout bord voler en éclat. Peu, assurément très peu, croiraient au signe qui est donné. Et nous ? Que ferions-nous ?
 
Oui, Noël nous provoque et vient nous déranger, aujourd’hui comme hier. De grâce, ne nous voilons pas ce soir dans une culpabilité de mauvais aloi car, oui, c’est jour de fête pour l’humanité qui accueille un Sauveur, manifestation de ce qu’opère « l’amour jaloux du Seigneur de l’univers ». Pourtant l’humble et pauvre signe de l’enfant emmailloté dans la mangeoire met à mal les idées reçues. Il voudrait « nous purifier pour faire de nous un peuple ardent à faire le bien ». Voilà pourquoi aussi nous n’en aurons jamais fini avec Noël. Les fêtes seront passés mais le Fils de Dieu voudrait continuer à prendre chair dans notre cœur. Serons-nous capables de le garder aussi ouvert, compatissant, perméable et émerveillé qu’il ne l’est en cet instant ?
 
 
AMEN.
                                                                                                   
 
Michel Steinmetz

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