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mardi 14 novembre 2017

Homélie du 33ème dimanche du Temps ordinaire (A) - 19 novembre 2017

Admettons-le : il est difficile de lire cet évangile sans être scandalisé.  Il y a une telle opposition entre les serviteurs de cette parabole.  Bien plus, c’est le plus faible, celui qui n’a qu’un talent qui est le plus mal traité, tandis que les deux autres, déjà riches et sûrs d’eux, sont largement récompensés.  Et pourtant à y regarder de plus près, on se rend compte que les choses ne sont pas aussi simples. 
 
Le serviteur au seul talent ne dit-il pas qu’il savait que son maître est un homme dur.  Il est même un exploiteur.  Le serviteur lui reproche de moissonner là où il n’a pas semé, de ramasser là où il n’a pas répandu de grain.  Et le maître ne nie pas.  Il reconnaît que cela est bien vrai.  « Tu savais que je moissonne là où je n’ai pas semé, que je ramasse le grain là où je ne l’ai pas répandu. –  Je savais que tu es un homme dur ».  Comment voulez-vous que cet homme puisse vivre et entreprendre ? Comment voulez-vous qu’il puisse prendre des risques et oser ?  Nous sommes parfois comme ce serviteur écrasé, paralysé par la peur.  Il y a des parties de notre vie, des parties de notre cœur, qui sont comme mortes.  Il y a d’un côté l’expérience qui nous a appris à découvrir nos limites.  Il y a d’autres parties de notre vie et notre cœur qui sont bien mortes, nécrosées, durcies et parfois encore bien douloureuses.  Ce sont les trahisons et les mensonges, la cruauté parfois de nos proches qui nous ont parfois ensevelis et écrasés sous des tonnes de rocher.  Et maintenant encore nous n’osons plus entreprendre ou faire quoi que ce soit dans ce domaine où nous avons été si bien détruits. Car il y a plusieurs manières de détruire quelqu’un.  Il y a bien entendu la violence physique, mais il y a aussi - et c’est bien plus subtil - la violence psychologique.  On peut écraser quelqu’un en lui répétant sans cesse qu’il est incompétent, en l’obligeant  faire des choses qu’il est incapable de réaliser et de lui expliquer ensuite qu’il est un incapable.  Cela peut se voir dans certains milieux professionnels, mais aussi à l’intérieur d’un couple ou entre frères et sœurs.  Avec quel plaisir sadique, certaines personnes, usant et abusant de leur position de force, peuvent ainsi faire sentir leur supériorité, toute relative d’ailleurs.

Tout autre est l’attitude des deux premiers serviteurs.  C’est debout, droit dans les yeux, qu’ils se présentent devant leur maître.  Et ils ont bien l’air d’être les dindons de la farce puisque  ce sont eux qui enrichissent un tel maître.  Le serviteur au seul talent ne serait-il pas plus lucide que les autres ? Les deux autres ne seraient-ils pas un peu innocents, voire carrément naïfs ? C’est une bonne question : qu’est-ce que l’innocence ? Devons-nous, nous, chrétiens, être naïfs ? Certainement pas.  Naïveté rime souvent avec inconscience.  La naïveté n’est pas une qualité à cultiver, c’est un handicap à corriger.  Il convient au contraire de retrouver la grâce de l’innocence, si nous l’avions perdue.  Les épreuves de la vie, les mensonges, les trahisons, la cruauté même de certains comportements nous ont blessé de telle façon que c’est avec prudence, ou même avec méfiance, que l’on continue à vivre en société.  Plus encore, dans une communauté religieuse, comme dans un couple, l’enthousiasme du début a cédé la place à la désillusion, et parfois même à la rancœur.  Et c’est là sans doute tout le défi qui nous est lancé comme être humain et comme chrétien.  Non pas de retrouver l’innocence des enfants, mais la générosité de l’âge adulte.
 
Quand Jésus se « lance » et annonce partout la Bonne Nouvelle, il sait qui va le trahir, il sait que Pierre va l’abandonner, il sait que tous les apôtres vont s’enfuir.  Et pourtant il donne son amour sans compter, car il est lui-même porté par l’amour de son Père.  Et c’est là sans doute la clef de la réussite des deux premiers serviteurs : c’est la confiance immense qu’ils ont en leur maître et cette confiance, ils l’ont parce que leur maître lui-même leur fait confiance.  La confiance, ce n’est pas quelque chose qu’on se donne, c’est quelque chose que l’on reçoit.  Et c’est riche de cette confiance reçue, qu’on peut avoir confiance en soi-même et avoir confiance dans les autres. Cet évangile est celui de la confiance, avant d’être celui de la rétribution.  Le serviteur au seul talent n’avait aucune confiance en son maître. 
 
AMEN.
                                                                                                                                              
Michel Steinmetz

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