Alors que la fête de la Pâque approche, la
foule se presse sur la grande esplanade du temple de Jérusalem pour écouter
Jésus arrivé récemment de Galilée. Serait-il le Messie qui, dit-on, doit
survenir justement lors de cette fête de la libération ? Va-t-il
déclencher la révolution ?...Mais les autorités religieuses - grands
prêtres, anciens et scribes - sont de plus en plus excédées par cet homme qu’elles
tiennent pour un imposteur et elles cherchent à le discréditer en le harcelant
de questions insidieuses. C’est ainsi que Matthieu, après Marc, rapporte cinq
controverses : à la première concernant son audace de parole, Jésus a
répondu par les trois paraboles assez dures que nous avons entendues les
dimanches précédents. Aujourd’hui voici la deuxième dispute qui concerne un
sujet brûlant, très débattu à l’époque. En cette année (30 de notre ère), il y
a déjà plus de 90 ans que les Romains occupent le pays. Ces païens idolâtres
règnent d’une main de fer sur la terre sainte, répriment dans le sang toute
tentative d’insurrection et exigent de lourds impôts qui pèsent de façon
intolérable sur la population.
Le peuple de Dieu doit-il acquitter ce tribut
qui semble reconnaître son allégeance à l’endroit de ces païens honnis ?
Les zélotes, partisans de la résistance armée, mènent campagne pour qu’on
refuse cette contribution ; au contraire, les grands prêtres et leur parti
sadducéen, par crainte de la répression sanglante, ont opté pour la soumission
et l’obéissance forcée. Ce sujet reste évidemment à la une de l’actualité et
les opinions sont déchirées. Et si on allait demander son avis à ce
Jésus ?
L'abord flagorneur qui semble honorer Jésus en
soulignant sa droiture et son obéissance parfaite à la loi de Dieu cache une
ruse : on le somme, devant les gens, de ne pas chercher de faux fuyant, de
correspondre à sa réputation d’homme qui dit franchement la vérité quoi qu’il
en coûte. Le dilemme l’enferme dans un piège. S’il répond : « Il faut
payer », ce sera la preuve qu’il n’est pas un vrai prophète puisqu’il
accepte l’occupation païenne et le déshonneur de la nation. En ce cas on pourra
persuader la foule de le rejeter. S’il dit : « Ne pas payer »,
on le dénoncera aux Romains comme révolutionnaire dangereux, à supprimer d’urgence.
Jésus, connaissant leur perversité, riposte et
sa réponse n’est pas facile à comprendre ni moins encore à appliquer car
elle pointe des problèmes permanents : la situation du chrétien en tant
que citoyen et le rapport de l’Eglise et de l’Etat.
Le denier représentait le buste de l’empereur
avec l’inscription « Tibère César, fils du divin Auguste, Auguste » :
prétention divine blasphématoire pour les Juifs ! Mais Jésus reconnaît -
sans l’approuver bien sûr- la souveraineté romaine : le Prince qui frappe
monnaie a autorité sur le pays. Donc Jésus ne veut pas être un Messie
politique. Les croyants demeurent des citoyens tenus à remplir tous leurs
devoirs : nous devons observer les lois et donc payer nos contributions.
S'il faut rendre à l’Empereur l’impôt (la pièce
frappée à son effigie), il faut plus encore rendre à Dieu ce qui porte son
image. Or qu’est-ce qui porte l’image de Dieu ? Ainsi que le déclare le
premier récit de la création : l’être humain ! Tout être humain,
quels que soient sa couleur de peau, son état de santé, son âge, sa condition,
porte l’empreinte divine et est donc revêtu d’une dignité inaliénable. L’Etat
ne dispose donc pas d’un pouvoir inconditionnel, il ne peut empêcher l’humain
de « se rendre à Dieu », il ne peut imposer l’athéisme en combattant
la religion vue comme une superstition néfaste, ni imposer des lois qui brident
la liberté et bafouent la dignité humaine.
Le monde dans lequel nous vivons n’est que
l’ébauche du Royaume des cieux. En nous rendant semblable à Celui dont
l’effigie est gravée au fond de nos cœurs, son Royaume grandira et transformera
ceux de ce monde. A nous d’en être les acteurs résolus et vigilants !
AMEN.
Michel Steinmetz †
AMEN.
Michel Steinmetz †
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