En
inscrivant cet évangile ce matin dans la célébration de la fête de la
Toussaint, l’Église a voulu précisément nous faire comprendre que la sainteté
n’était pas une décoration que l’on remet au plus méritant, mais la
reconnaissance de l’œuvre de Dieu à travers des existences humaines. Cette fête
veut nous rappeler que, parmi tant de saints reconnus et vénérés à travers la
prière de l’Église, il faut encore compter une multitude de saints que nous ne
connaissons pas. Nous ne les connaissons pas parce qu’ils n’ont rien fait qui
attire sur eux l’attention. Ils ne sont pas des notables de la société. Ils
n’ont pas eu l’occasion dans leur vie de faire des choses extraordinaires. Nous
ne les connaissons pas, tout simplement parce que rien ne laissait
transparaître ce qu’ils étaient profondément ou parce que nous n’étions pas
attentifs à voir ce qui ne s’imposait pas mais qui demandait un peu d’attention
du cœur. Ce sont des « saints » que nous avons pu côtoyer, des saints
de notre famille, des personnes dont la foi a incroyablement élargi le cœur. En
tout cas, cette multitude d’hommes et de femmes qui nous ont précédés dans le
chemin de la foi et qui sont devenus les saints de Dieu sont pour nous une
promesse et une espérance parce qu’ils nous rappellent que la sainteté se
construit sur la base d’une existence ordinaire.
C’est
cette réalité qui nous a été rappelée quand le Pape François a canonisé les
époux Martin, les parents de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, dont l’une des
caractéristiques principales est précisément d’avoir mené une vie ordinaire.
Ils n’ont pas eu dans leur existence l’occasion d’accomplir des choses particulièrement
spectaculaires et cependant, ils sont restés fidèles à la parole de Dieu, jour
après jour à travers l’existence de leur famille.
Ce
que nous sommes ne paraît pas encore, « ce que nous serons n’a pas encore été
manifesté » (1 Jn 3,2) : c’est-à-dire que la puissance de transformation de
l’Esprit Saint ne transforme pas magiquement l’existence des hommes, elle la
transforme lentement à travers la fidélité des jours, des années, des
décennies, elle travaille incessamment le cœur, le foyer de notre désir et de
notre volonté, elle nous entraîne insensiblement, progressivement, à trouver
notre joie dans la volonté de Dieu. Mais tout cela, ne transforme pas
sensiblement ou visiblement, en tout cas de manière spectaculaire l’existence
humaine. « Ce que nous serons n’a pas encore été manifesté » parce que pour
l’instant, ce qui apparaît de notre vie, c’est ce que nous sommes. Ce que nous
serons résultera de notre transformation quand nous verrons Dieu tel qu’il est.
Cependant,
à travers le tissu de cette existence humaine, qui recèle mystérieusement une
puissance non encore manifestée, Dieu a voulu que nous disposions de signes
significatifs, sacramentels, que nous ayons des possibilités de voir, de
comprendre, en tout cas de nous interroger. C’est une des missions principales
de l’Église, d’être au cœur de l’humanité, le sacrement de la grâce de Dieu à
l’œuvre à travers les hommes, en vue de leur rassemblement dans l’unique peuple
de Dieu dont les frontières sont inconnues et dont le nombre des membres est
incalculable. Regardez votre voisin, ici et maintenant, et n’oubliez pas de
vous regarder : vous verrez un saint, une sainte en devenir.
Michel STEINMETZ †
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