Pendant
cinquante jours, de Pâques à Pentecôte, nous avons célébré – comme un seul jour
– la résurrection du Seigneur. Nous chantions : « Voici le jour que
fit le Seigneur, jour d’allégresse et jour de joie ! », en reprenant
le psaume 117 qui affirme que « la droite du Seigneur a fait des
prouesses ». Nos prières rappelaient ce que Dieu le Père a réalisé pour
son Fils Jésus : il n’est pas resté prisonnier du tombeau. C’est ainsi
qu’il apparaissait à ses disciples, les habituant peu à peu à ce qu’ils
n’avaient pu concevoir auparavant. Il est vivant, différemment, mais réellement
vivant. Nous découvrions aussi, avec les Apôtres, que l’Esprit de Dieu s’est
manifesté depuis la croix. C’en Lui que Jésus a remis son souffle de vie ;
c’est lui qui l’a fait jaillir du tombeau, force agissante de Dieu. Cet Esprit,
le sien, le Ressuscité l’a donné aux siens pour qu’ils annoncent désormais à sa
suite que le Royaume de Dieu est là, tout près. C’était la fête de le
Pentecôte. Et puis, dimanche dernier, la fête de la Sainte-Trinité a voulu nous
redire, dans un condensé assez prodigieux, tout ce mystère d’un Dieu unique en
trois personnes de même nature. Nous le comprenons mieux chaque fois que nous
traçons sur nous le signe de la croix, comme nous l’avons fait encore
aujourd’hui en entrant dans la célébration. L’invocation du Père, et du Fils et
du Saint-Esprit ne reste pas un concept éloigné de nous. Bien au contraire, il
rejoint notre existence au point que nous en marquons notre corps, et même que
nous l’enveloppons de ce signe. Dieu fait de nous ses enfants bien-aimés pour
nous permettre d’entrer dans son intimité. La croix devient le signe de notre communion
à Dieu.
Aujourd’hui,
ce n’est pas une nouvelle solennité qui nous rassemble, comme si elle n’avait
de lien avec les autres, depuis Pâques. L’Eglise nous invite à fêter le
« Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ », à rendre grâce
pour le don de l’eucharistie. Car à chaque fois que nous communions, que nous
répondons « amen » en recevant le Corps du Christ, nous affirmons
croire en cette présence « dans un fragment aussi bien que dans le
tout » (séquence). Christ vient en nous pour, progressivement, de
communion en communion, changer notre nature et transformer ce qu’il y a de
bassement humain en nous en quelque chose d’un peu plus divin.
Le
voici donc, le Pain, « le pain de l’homme en route, le vrai pain des
enfants de Dieu » (séquence), le pain de l’eucharistie. Il ne récompense
pas les plus valeureux ou les plus dignes d’entre nous. Il est cette présence
réelle de Dieu lui-même à ceux qui acceptent de le recevoir. Il guérit les
blessures et panse les plaies de ce « désert », parfois « vaste
et terrifiant » (Dt 8) de la vie. Il redonne courage quand la marche se
fait difficile, au moment du sentiment de l’abandon. S’il nous semble que le
Seigneur nous fait passer par la pauvreté, celle de notre cœur, de nos
difficultés à aimer ou à pardonner, que le Seigneur nous éprouve – comme Il le
fit pour le peuple au désert, nous savons qu’Il accomplit ce chemin avec nous.
A
l’issue de la messe, nous ferons la procession. Nous nous mettrons en marche à
la suite du Christ, présent dans son eucharistie. Plutôt, faudrait-il dire, Il
marchera à nos côtés. Notre marche, qui heureusement pour nous ne durera pas quarante
ans et ne nous fera pas éprouver la morsure des « serpents brûlants et des
scorpions », ne sera pas l’occasion de faire prendre l’air au Seigneur, de
lui montrer comme notre Alsace est belle, que nos géraniums sont vigoureux, ni
pour vous l’occasion d’admirer avec envie ou exaltation dans le commérage les
maisons des voisins. Non ! Cette marche sera le symbole de notre vie, une
marche parfois pénible mais volontaire, une marche qui nous est commune, une
marche que le Christ ne cesse d’accompagner à chaque instant et partout.
Ensemble
« nous sommes un seul corps, car nous avons tous part à un seul
pain » (1 Co 10). Il est au milieu de nous pour faire de nous ce qu’Il est
lui-même.
AMEN.
Michel
Steinmetz †
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