Le cardinal Etchegaray rapporte cette belle
légende qu’un moine d’Orient lui avait contée. Le Christ ressuscité, après
Pâques, était en train de monter au ciel, il baissa les yeux vers la terre et
la vit plongée dans l’obscurité, sauf quelques petites lumières sur la ville de
Jérusalem. En pleine Ascension, il croise l’Archange Gabriel qui lui demande : « Quelles
sont donc ces petites lumières, Seigneur ? » Jésus répond : « Ce sont
les apôtres groupés autour de ma mère. Mon plan, à peine rentré dans le ciel de
mon Père, est de leur envoyer l’Esprit-Saint pour que ces petits feux
deviennent un grand brasier qui enflamme d’amour la terre entière ». L’Archange,
un peu perplexe, se permet de questionner : « Seigneur, que ferez-vous si
ce plan ne réussit pas ? » Après un long instant de silence, le Seigneur
réplique : « Je n’ai pas d’autre plan. »
Hélas, en notre Europe occidentale où
brillèrent, pendant des siècles, des centaines de milliers de ces lumières
paroissiales, on voit avec tristesse qu’un certain nombre de ces petits foyers
baissent d’intensité et même s’éteignent, alors qu’en Chine, en Inde, au
Cambodge par exemple, de nouveaux s’allument. Au lieu de fixer les yeux vers le
haut, vers leur destinée surnaturelle, vers la Cité future, beaucoup de
baptisés veillent à leur confort, à leurs intérêts matériels. C’est « le
sacre du présent » comme disait un philosophe. En ce jour, reprenons conscience
que nous sommes faits pour « monter », pour aller au ciel avec le
Christ. Non pour nous regarder le nombril et ne penser qu’au présent immédiat. Toutefois,
ce ciel, on n’y va pas à n’importe quelles conditions. Le Christ n’a pu se
laisser « emporter » là-haut que parce qu’il avait accompli la volonté
de son Père. Il avait accepté de donner sa vie, et c’est parce qu’il avait aimé
jusqu’à tout perdre et à en mourir que désormais, son Père lui donnait un être
transfiguré, débarrassé des contraintes terrestres et capable de le rejoindre
dans l’Amour Infini.
Oui, « Jésus n’a qu’un plan ». Aujourd’hui
nous ne restons pas les yeux braqués vers le ciel. Nous devons au contraire
regarder les uns vers les autres, nous aider à reconstruire des communautés
chaleureuses et fières d’avoir reçu la mission unique, primordiale,
indispensable : annoncer la bonne nouvelle du Salut. Mais ne nous précipitons
pas : après le départ de leur Seigneur, les apôtres n’ont pas foncé pour
accomplir leur mission car ils savaient très bien qu’ils en étaient incapables.
Le Seigneur les avait prévenus : « Restez ici : je vais vous envoyer ce
que mon Père a promis, la Force de Dieu, l’Esprit ». Et, groupés autour de
Marie qui les gardait dans sa prière et sa confiance, ils prièrent, ils
attendirent.
Ils nous regardent de là-haut : qu’avez-vous
fait de notre enthousiasme originel ? Pourquoi n’osez-vous plus ? Pourquoi vous
fiez-vous à d’autres appuis que l’Esprit ? De l’Ascension jusqu’à la Pentecôte,
les apôtres restèrent en prière. A nous de les imiter. L’heure n’est pas à
tracer de nouveaux plans. Seul le don de Dieu renouvelle l’Eglise.
AMEN.
Michel
Steinmetz †
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