La peur de mourir
En méditant la
Passion selon saint Jean, comme nous venons de le faire ensemble, nous pouvons
être surpris par l’apparente sérénité et la calme détermination de Jésus. Un
peu comme si le Seigneur marchait vers le sommet du Golgotha aussi simplement
que l’énonce le prophète Isaïe : il
montera, il s’élèvera, il sera exalté. Le cortège de souffrances qui
l’accompagne, et que le même Isaïe annonçait, semble ne pas avoir de prise sur
Lui. Tout semble désormais joué. Jésus, sachant
tout ce qui allait lui arriver, comme le dit saint Jean, renvoie Pilate à
ses propres questions, au point que ce dernier redoubla de crainte. Le Christ ne semble pas ici avoir peur de la
mort. Il l’accepte librement et semble même la fixer droit dans les yeux. C’est
son attitude qui génère la crainte.
Oui, parce que, nous,
nous avons sans doute peur de la mort. Peur de ce qui adviendra après, pour
nous et pour nos proches. Peur de savoir s’il y a quelque chose
« après ». Peur de Celui que nous rencontrera et qui portera un
jugement sur ce que nous aurons fait, sur notre capacité – ou pas – à aimer, à
bien aimer. Peur des relations nouvelles qui seront tissées. Peur de ce que
nous deviendrons. Peur certainement aussi de la manière dont nous arriverons à
cet ultime instant où, pour nous, tout
sera accompli, et où nous n’aurons d’autre choix que de remettre au Père
cette vie que, de Lui, nous avons reçue.
Dans les évangiles de
Luc, Marc ou Matthieu, Jésus n’est pas exempt de sentiments à l’approche de sa
mort au point de crier vers le ciel ; Mon
Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? Et pourtant il ne se rebelle pas,
ne se détourne pas de son Dieu. Par-delà son apparente absente, il continue de
Lui faire confiance. Moi, je suis sûr de
toi, Seigneur, je dis : ‘Tu es mon Dieu !’. Mes jours sont dans ta
main : délivre-moi des mains hostiles qui s’acharnent. (Ps. 30).
L’espérance s’avèrera la plus forte.
Voilà pourquoi la
mort de Jésus est un exemple pour nous et voilà pourquoi nous nous découvrons
en Lui le grand-prêtre capable de
compatir à nos faiblesses, un grand-prêtre éprouvé en toutes choses, à notre
ressemblance, excepté le péché. En passant devant nous pour nous laver les
pieds et nous demandant de le faire en mémoire de Lui, Jésus nous rappelait
hier soir notre fraternité. Ce frère qu’Il est pour nous nous indique
maintenant que nos peurs sont vaines devant la mort. Il les a affrontées pour
les exorciser. Il ne les supprime pas car elles demeurent légitimes pour nous.
Mais nous savons désormais, sans pouvoir nous l’imaginer – il est vrai, que
cette mort sera un passage. Sa constance nous donne la force de notre
constance. Nous pouvons nous appuyer sur Lui et Lui remettre ce qui est trop
lourd à porter à supporter. Le juste, mon
serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs fautes.
La mort a emporté
Jésus aussi sûrement que la pierre, une fois roulée devant le tombeau, le
plongera dans l’obscurité. Cependant, nous nous tenons désormais là, dans
l’attente que Dieu fera des merveilles. Qui
aurait cru ce que nous avons entendu ? Le bras puissant du Seigneur, à qui
s’est-il révélé ? Il se révèlera à tous ceux qui consentiront à mourir
à ce qui gangrène leur existence et la rend terne, à ceux qui auront la folie
de défendre la croix comme signe de leur victoire, à tous ceux qui demeureront
les yeux fixés sur la pierre du tombeau. Ceux-là, sans plus de peur, seront
dans la joie quand ils verront la pierre roulée et le tombeau vide.
Frères et sœurs,
voulez-vous, avec moi demeurez dans cette espérance et dans cette confiance que
Dieu est plus grand que la plus grande des peurs ?
AMEN.
Michel
Steinmetz †
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