Selon Matthieu et
Luc, c’est à Bethléem en Judée que Jésus naquit. Bethléem, c’est la ville où
David reçut l’onction royale et c’est dans la famille de David que devait
naître le Messie. C’est ce qu’annonce l’Ecriture, nous l’entendions, et aussi ce
que mentionne le Talmud de Jérusalem : le Roi-messie devait naître à
Bethléem de Juda, la ville royale.
Hérode est placé sur
le trône de Jérusalem par les Romains. Il arrive au pouvoir après de sombres
tractations diplomatiques et de sanglants massacres. Il est le jouet de l’occupant.
Pour consolider sa souveraineté, il retire le pouvoir politique aux prêtres qui
dirigeaient la Judée depuis le début de l’époque du Second Temple. Pour écarter
toute rivalité politique susceptible de menacer son pouvoir, il fait même assassiner
son épouse Mariamne et plusieurs de ses enfants. Mais sa réputation de cruauté
est surtout due à un passage de l’évangile de Matthieu (2, 16-18). Selon
celui-ci, les grands prêtres et les scribes du peuple avaient annoncé la
naissance à Bethléem du « roi des Juifs », et Hérode, craignant un futur rival
temporel, l’avait fait rechercher pour le mettre à mort. Les Mages devaient
servir ce macabre projet s’ils n’avaient pas d’emblée compris au sinistre
personnage à qui ils avaient à faire. Ils s’en retournèrent « par un autre
chemin ». N’ayant pas trouvé l’enfant, Hérode ordonna la mise à mort de
tous les enfants mâles de la bourgade âgés de moins de deux ans, espérant qu’il
serait du nombre.
Dans les années de
la naissance du Christ, Hérode, très curieusement, fait frapper des monnaies
sur lesquelles il fait figurer deux choses : le diadème royal et une forme
ressemblant à une croix. C’est là le signe qui correspondait au geste de l’onction :
celle qu’on faisait normalement au roi, mais aussi au grand-prêtre. Hérode aspire à la totalité du pouvoir.
Politique et religieux. Comment pourrait-il supporter que même un enfant soit
non seulement appelé à devenir roi des Juifs, mais soit né dans la ville
désignée comme celle dans laquelle devait naître le Messie ?
Aujourd’hui, en
cette fête de l’Epiphanie, nous célébrons la manifestation de Dieu, la manière
dont Il se révèle en son mystère. En venant dans le monde, en étant reconnu
comme Fils de Dieu par les mages. La haine et la violence d’Hérode à son égard
sont aussi, et très paradoxalement, une reconnaissance de son identité. Le
monarque fantoche, avide de son pouvoir, jaloux de ses prérogatives, comprend
que cet enfant est d’une autorité qui dépasse toutes celles de ce monde. Les
mages vont se prosterner et déverser le riche contenu de leurs coffrets :
de l’or, de l’encens et de la myrrhe, présents prophétiques récapitulant là
tout le mystère du Sauveur. Hérode, lui, ne prendra pas la route de Bethléem.
Il enverra ses hordes armées pour faire couler le sang.
Aujourd’hui, dans
notre monde qui se veut si « moderne », si civilisé, la barbarie
continue de sévir. On estime le nombre de chrétiens tués à cause de leur foi
depuis le début du XXème siècle supérieur à celui des premiers
siècles, dits pourtant des « grandes persécutions ». Cette barbarie jadis
circonscrite dans les arènes en déborde pour mieux nous happer et semer une
terreur diffuse. Les chrétiens sont ainsi pourchassés à cause de leur foi, tout
simplement parce qu’ils sont reconnus comme les « disciples » de ce
Christ, insupportables à ceux qui veulent tout dominer.
Pourtant, avec joie
et confiance, nous resterons rangés du côté des mages pour continuer d’offrir à
l’Enfant de la crèche nos présents. Ceux de nos vies parfois chancelantes,
hésitantes, incertaines, mais qui aspirent à la liberté promise aux enfants de
Dieu. Nous reconnaîtrons en Lui l’unique Sauveur. Nous continuerons de croire
« que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps,
au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de
l’Evangile ». Et nous regarderons
la haine du monde, droit dans les yeux, celle de tous les Hérode des temps
nouveaux, comme, aussi, une reconnaissance du mystère de Dieu.
AMEN.
Michel
Steinmetz †
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