A tous les visiteurs de ce blog, bienvenue !


Vous y trouverez quelques informations sur ma recherche et sur mon actualité.
Progressivement seront mis en ligne ici des articles de fond et d'investigation essentiellement en liturgie, mais aussi en d'autres domaines de la vaste et passionnante discipline qu'est la théologie !

N'hésitez pas à me faire part de vos commentaires !

samedi 30 janvier 2016

Homélie du 4ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 31 janvier 2016

Qui de nous n’a pas déjà entendu lors d’un mariage les magnifiques paroles de l’apôtre saint Paul : Si je n’ai pas la charité… Il est vrai que les fiancés raffolent de ce texte. C’est un hymne extraordinaire à l’amour-charité ! La charité y est évoquée en termes de forme invincible, de fidélité, de durabilité, de grandeur, elle surpasse tout dans la vie. C’est en quelque sorte la clé de voûte de l’existence : celle qui fait tout tenir ensemble et qui donne le sens ultime de la vie.
 
Pour une fois aujourd’hui, j’ai donc décidé de commenter non pas l’évangile que nous entendions, mais la deuxième lecture tirée de la première lettre aux Corinthiens. Si ce passage est bien connu, il en devient même un peu galvaudé. Il n’est donc pas inintéressant de prendre quelques minutes pour le réentendre de manière renouvelée. Dans le chapitre précédent, saint Paul a parlé des « dons de la grâce », appelés aussi « charismes ». Nous sommes dotés de différents dons, certains sont naturels, d’autres nous sont spécialement donnés par Dieu. Les talents sont attribués de manière très différente. Ils se complètent et s’aident entre eux. L’un est très doué de ses mains, l’autre a un cerveau très productif. Tout le monde n’a pas le talent de la musique, tout le monde n’est pas doué pour la technique. C’est la diversité des dons qui fait la richesse d’une société. Même les « dons pour la religion » sont très divers. Certains ont une piété très sentimentale, d’autres une spiritualité plus raisonnée. D’autres prétendent « qu’ils n’entendent rien à la musique de la religion », comme le dit le philosophe allemand Habermas.
 
L’essentiel est donc de savoir si ces dons différents se complètent ou s’ils se combattent. Dans tous les domaines de la vie, ils peuvent conduire à une complémentarité, à un enrichissement réciproque ou bien à une rivalité, voire une animosité. Alors il y a la droite contre la gauche, le blanc contre le noir, les progressistes contre les traditionnalistes, le clergé contre les laïcs, les actifs contre les moins engagés, etc… On peut décliner la liste à l’envi dans nos sociétés, nos familles, nos paroisses. En classant les gens, on arrive toujours à les faire se lever les uns contre les autres, à anéantir la grandeur du don que chacun porte en soi et qui peut contribuer à la croissance de l’ensemble.
 
C’est ici que le texte de saint Paul prend toute sa place, son message est aussi simple que vrai. A quoi bon tous ces dons, si je n’ai pas compris la charité, si je n’ai pas l’amour ? Cela vaut pour tous les talents « mondains » (entendez, ceux qui se tournent vers le monde), comme pour les religieux. Si, par égoïsme, ils ne sont mis à profit que pour un usage personnel, ou pour une satisfaction individuelle, ils ne sont plus qu’airain qui sonne ou cymbale qui retentit. Si on se donne pas à fond pour son prochain, tout en ne pensant qu’à son propre faire-valoir et sans y mettre de véritable amour, cela ne sert  à rien. Le pire est la piété sans charité, sans amour. Elle dégoûte.
 
L’amour ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; […] il ne cherche pas son intérêt ; […] mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; […] il espère tout, il endure tout. L’amour ne passera jamais. C’est vrai ? On lit cela avec émotion aux mariages, parfois comme si on croyait aux conte de fée et aux histoires de princesse. Est-ce que cela se vérifie dans la vie quotidienne ? Ne voit-on pas trop souvent le contraire, avec l’amour qui se change en haine ? L’amour ne passera jamais. Comme c’est beau et réconfortant d’entendre cela qui résonne à la fois comme une certitude et une promesse. L’amour ne passera jamais, même si le feu de l’amour peut s’éteindre en nos cœurs.
 
Heureusement donc, il y a cet autre aspect : l’amour-charité est vainqueur. Parce que l’autre nom Dieu est amour. Si l’on est patient, que l’on se pardonne toujours, que l’on se supporte les uns les autres, alors on constate à quel point cela est vrai : l’amour, la charité, c’est ce qu’il y a de plus grand, de plus durable.
 
 
 
AMEN.
 
                                                 
Michel Steinmetz

samedi 23 janvier 2016

Homélie du 3ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 24 janvier 2016

« Tous avaient les yeux fixés sur lui ». Dans la synagogue de Nazareth, en ce jour de sabbat, Jésus s’était mis debout pour faire la lecture. Et, bien sûr, tous les regards des assistants étaient tournés vers lui. Pensez donc, ce fils du charpentier avait quitté le village depuis quelque temps. Maintenant on parlait de lui dans toute la région. Partout on faisait son éloge. En revenant chez lui, qu’allait-il donc leur dire ?
 
Dans le livre d’Isaïe, Jésus choisit le passage qui décrit la vocation d’un prophète investi par l’Esprit de Dieu. Ce prophète est envoyé pour proclamer une bonne nouvelle de libération en faveur des pauvres, des prisonniers, des aveugles et des opprimés. Ce choix de Jésus était déjà étonnant ! Sans doute qu’à Nazareth comme en bien des endroits de l’époque,  le maître de la synagogue les avait habitués à écouter, à chaque assemblée, les multiples préceptes de la Thora, au point même de leur donner des complexes. En effet, à tous les tournants, il devait les traiter d’ignorants, d’incapables d’accomplir la Loi. Et voilà que Jésus, lui, se met à lire : « Le Seigneur m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle ». Ainsi donc, c’était possible : une parole de Dieu qui soit Bonne Nouvelle !
 
Raison de plus de garder les yeux fixés sur lui quand il ferma le livre et se mit à parler. « Cette parole, dit-il, que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit ». Il ne s’agissait pas d’une parole du passé, du bon vieux temps quand Dieu parlait encore par les prophètes pour corriger les rois ou reprocher les infidélités de la nation. Il n’était pas question non plus de s’évader, en rêve, dans un avenir lointain, attendu patiemment, celui d’un Messie espéré. Cette Bonne Nouvelle est donc pour aujourd’hui.
 
Jésus associe cette Bonne Nouvelle à des signes tangibles et concrets : aux prisonniers la liberté, aux aveugles la vue et la libération pour tous les opprimés. Dès lors s’ils le voulaient, ils pouvaient eux-mêmes devenir partie prenante du bouleversement que Jésus déclenchait. Il invitait au bonheur et il apportait une parole de Dieu qui soit pour les petits, pour les pécheurs, une parole de Dieu qui soit enfin libératrice ! Il annonçait cette année de bienfaits accordée par Dieu. Une année jubilaire. Une année qui arrive tous les cinquante ans, où les champs demeurent en repos, où les esclaves recouvrent leur liberté, où les terres aliénées reviennent à leurs anciens maîtres, où les dettes sont remises. La vie peut donc recommencer à neuf. Quand Dieu parle, quand Il vient lui-même à la rencontre des siens, son message est toujours porteur d’un amour pour les plus faibles, porteur d’une libération pour ceux qui souffrent et d’une grande joie pour tous ! C’était déjà le cas, 400 ans auparavant, lors du retour d’exil, quand les rescapés sont rentrés au pays, que les murs du temple ont été relevés dans la liesse populaire. Le prêtre Esdras fit alors la lecture publique de la Loi. Si certains pleuraient en regrettant de n’avoir pas observé les commandements, Esdras les rassurait en leur disant : « Ne vous affligez pas. Festoyez et partagez avec ceux qui n’ont rien de prêt. La joie du Seigneur est votre rempart ».
 
Dans le récit de Luc, Jésus a conscience d’être l’Envoyé de Dieu qui révèle la miséricorde de Dieu.  La suite du récit de Luc nous dira que les Nazaréens, interpellés par la prédication de Jésus, ne l’ont cependant pas suivi. Pouvons-nous juger sévèrement ces gens de Nazareth ? Non, car si les siècles ont passé, la situation précaire de l’ensemble de l’humanité n’a guère évolué. Les injustices, le mal moral et social sont toujours bien présents comme si le message biblique n’avait rien changé et restait un vœu pieux, une vue de l’esprit. Aujourd’hui, cette parole s’accomplit-elle ? Elle s’accomplit à chaque fois que nous la mettons en œuvre et que nous collaborons au projet que Jésus rend possible. Nous sommes dans une année jubilaire. Concrètement en quoi et comment rendrons-nous des nouveaux départs possibles ? Quelles sont les dettes que nous remettrons ?  
 
AMEN.
                                                 
Michel Steinmetz

Homélie du 2ème dimanche du Temps ordinaire (C) - 17 janvier 2016

L'épisode de Cana a très souvent été caricaturé comme un miracle presque magique de Jésus. Or, l’évangile n’a rien à voir avec du miraculeux, encore moins avec de l’illusion. Le récit de Cana nous offre le premier signe – c’est ainsi que saint Jean qualifie les miracles dans son évangile – qui préfigure tous les autres signes. C’est le signe d’une transformation, d’un passage, le signe de Pâques tout simplement.
 
Les six jarres vides en pierre constituent l’élément de départ du récit, tout comme le tombeau vide pour les récits de Pâques. Mais ces jarres de pierre demandent à être remplies. Elles symbolisent cette humanité vide, en quête de sens, obsédée par la tension entre le permis et le défendu. Et à ce vide, cette angoisse existentielle, Jésus vient substituer une dynamique d’amour symbolisée par le vin nouveau de l’Esprit, le vin de la joie.
 
Le symbole de l’eau nous plonge dans les premières lignes de la Bible, au commencement, où l’esprit de dieu planait sur les eaux. Le vin, par contre, nous plonge dans les dernières lignes de la bible. C’est le symbole de l’accomplissement, des noces. Et entre les deux, il y a vous ! Oui, vous comme moi : nous avons à vivre cette transformation de Cana au quotidien. Vivre Cana, c’est quitter l’eau d’une vie stagnante, transformer l’homme ancien qui sommeille en nous, pour découvrir cette joie profonde, ce vin de la fête, qui se risque à croire que le meilleur est devant ! Quand à la messe, le prêtre, préparant l’autel, verse une goutte d’eau dans le vin, c’est justement pour signifier que l’humanité, symbolisée par l’eau, est appelée à s’uni à la divinité, symbolisée, elle, par le vin.  Nous sommes invités à voir le bon pour la fin, à avoir cette conviction – qui n’est justement pas une illusion – que du meilleur est toujours possible et à faire advenir plus nous sommes unis à Dieu.
 
On  emploie de temps à autre l’expression : « mettre de l’eau dans son vin », comme si c’était un peu le propre des sages. Que de fois ne me l’a-t-on pas dit ? Maintenant, un peu moins… J’ai l’impression cependant que c’est l’inverse qu’il faut faire ! Suivre le Christ, c’est mettre du vin dans son eau. C’est mettre de la joie et du goût là où il n’y en a pas. C’est agir non par devoir, de manière rituelle, mais par amour, par gratuité. C’est laisser le Christ transformer notre humanité.
 
Oui, permettez-moi la formule, mais comme chrétiens, nous sommes invités non pas à mettre de l’eau dans notre vin, c’est à dire à mettre du devoir et des obligations partout, mais plutôt à mettre du vin dans notre eau ! A mettre un peu d’ivresse dans la vie à mettre un peu joie dans nos existences parfois pleines de larmes. A mettre un peu d’évangile de nos vies. L’évangile est le meilleur vin qui soit. Mais il faut le boire. Pas le conserver bien au chaud. Avouez qu’il n’y a rien de plus triste qu’une belle cave de vin quand toutes les bouteilles sont passées ! Alors, reprenons un peu d’évangile que nous pouvons et devons consommer sans modération ! Pour mettre de la joie divine dans notre humanité blessée.
 
Dans l’évangile, l’eau se change en vin non pas dans les jarres mais  lorsqu’on la sert. C’est donc bien dans la relation et dans le don que se réalise cette promesse du Christ. Pour cela, il ne s’agit pas de s’illusionner soi-même, de faire comme si la tristesse n’était pas là ou affirmer que le devoir et les limites n’ont pas de sens. Mais si nous voulons prendre l’évangile au sérieux, il s’agit plutôt de découvrir que l’espérance chrétienne veut que la tristesse peut toujours être transfigurée en joie, pour de vrai. Que le premier signe que Jésus opère à Cana n’est pas une manifestation de puissance, mais l’unique signe, celui de Pâques, où l’eau de nos larmes fait place à la joie de Pâques, où un tombeau vide nous invite au festin des noces.
 
Cana, c’est le premier miracle, le premier signe. Jésus nous y fait découvrir qui il est : Celui qui permet de faire entrer enfin un peu de Dieu dans cette vie sans persistance, carrure ni équilibre s’Il n’y est pas.
AMEN.
 
 
Michel Steinmetz

Homélie de la fête du Baptême du Seigneur - 10 janvier 2016

Lorsque - sans doute vers  lan 28 de notre ère - un certain Jean se met à prêcher et à proposer un baptême dans les eaux du Jourdain afin d’obtenir le pardon des péchés, cette initiative inédite étonne et scandalise puisque, selon la Loi, le pardon de Dieu ne peut être obtenu que par des sacrifices d’animaux et certains rites précis célébrés au Temple. Jean, fils de prêtre, effectue donc une rupture, un passage du « prêtre » au « prophète » en reprenant le geste que le prophète Elisée avait requis du général syrien Naaman pour obtenir la guérison de sa lèpre (2 Rois 5). En se plaçant à la frontière du pays et sur la rive orientale du fleuve, Jean propose à son peuple un nouvel « exode » car son baptême n’est pas une simple ablution statique, une bénédiction mais un « passage » dangereux : les candidats juifs doivent sortir du pays pour rejoindre Jean, retraverser le fleuve frontière et rentrer en Israël. Ils vont retrouver leur milieu, leur famille, leurs occupations mais vont-ils « se convertir » ? Auront-ils le courage d’adopter la manière de vivre telle que Jean leur a enseignée ?
 
Jean les observe et il prend conscience de l’inefficacité de son baptême, de l’insuffisance de sa mission : c’est pourquoi il tourne son auditoire vers l’arrivée d’un « autre » qui réalisera ce qu’il échoue à faire. Luc présente le baptême de Jésus comme l’aboutissement de la démarche populaire mais, pour lui, il ajoute une note capitale : « Il priait ». Au contraire de la plupart des gens qui ont effectué le rite sans s’interroger davantage,  Jésus, lui, prend ce bain avec sérieux : un rite n’est pas magique, il ne cause pas son effet de façon automatique car il doit être assumé par son bénéficiaire. Ayant traversé l’eau, Jésus ne se juge pas quitte : en silence il se met à la disposition de son Dieu.
 
"Le ciel s’ouvrit. » Depuis quelques siècles, « le ciel » semblait fermé : Dieu était silencieux, il ne parlait plus par ses prophètes et voilà que, au sein de la supplication intense de la prière de Jésus, la communion avec Dieu est rétablie. « L’Esprit-Saint, sous une apparence corporelle, comme une colombe, descendit sur Jésus… ». Il y a trois références à d’autres moments du Salut : à la Genèse, lorsque l’esprit de Dieu planait sur les eaux (Gn 1, 2) ; au Déluge, lorsque la colombe en vint annoncer la fin, avec un rameau d’olivier dans son bec (Gn 8, 11) ; dans le Cantique des Cantiques, où la Bien-aimée, symbole du peuple élu, est appelée « ma colombe » (Ct 2, 14).
Voilà pourquoi Jésus est « plus puissant » : parce qu’il a reçu l’Esprit, la Force, l’Amour Infini de son Père, il peut ouvrir le Royaume, donner naissance à une humanité nouvelle. Jean ne pouvait qu’exhorter, faire la morale : Jésus, lui, spiritualise, divinise.
 
Dès l’origine, la foi chrétienne n’est pas un sentiment privé : elle doit être une entrée dans une communauté concrète par le rite  du Baptême. Aujourd’hui on voudrait volontiers nous faire croire le contraire et nous convaincre toujours plus que nous devons vivre notre foi, dans notre coin, en catimini, sans surtout en témoigner pour ne choquer personne… Quand Dieu se révèle dans le baptême de son Fils au Jourdain, il est entendu que le Christ n’a pas besoin en lui-même d’être baptisé, purifié de ses fautes. Il est sans péché. Mais si le Christ consent à passer par les eaux du Jourdain, c’est pour nous. Ce jour-là, c’est toute notre humanité, qu’il a prise sur lui, qui est appelé à se laisser réconciliée avec Dieu. Cela, il le rend possible en sa personne. Dès lors, comme le dit saint Paul : «  Lorsque Dieu  notre Sauveur, a manifesté sa bonté et son amour pour les hommes, il nous a sauvés, non pas à cause de la justice de nos propres actes, mais par sa miséricorde ».
 
Quand nous sommes baptisés, nous passons ainsi – et chacun de nous – à la rive d’une vie nouvelle. Elle est désormais à notre portée, cette vie de Dieu. Ne nous perdons pas en chemin ! Ne perdons pas courage au milieu des eaux ! Il nous appelle et nous attend pour notre renaissance !
 
AMEN.
 
                                                 
Michel Steinmetz