« Augmente en
nous la foi ! ». Voilà la demande des Apôtres. Pourquoi une telle
requête auprès du Seigneur ? S’il s’agit d’augmenter la foi, c’est donc
que les disciples considèrent au moins l’avoir déjà un peu. Que viennent-ils
d’entendre de la part de Jésus pour, d’un coup, ressentir le besoin d’être
ainsi affermis dans la foi ? Comme pour nous dimanche dernier, Jésus vient
de leur compter en présence des Pharisiens, qui le tournent en dérision, la
parabole du riche et de Lazare. Et Jésus poursuit encore avec des paroles très
dures qui invitent à la conversion. Les apôtres, sans doute, ont peur et
comprennent que, de la foi, il va leur en falloir une sacrée dose.
Jésus n’est guère
tendre avec eux. Voici sa réponse : « Si vous aviez de la foi, gros
comme une graine de moutarde, vous auriez dit à l’arbre que voici :
‘Déracine-toi et va te planter dans la mer’, et il vous aurait obéi ».
Dans les gencives ! L’image de
l’arbre qui se déracine et va se planter dans la mer peut surprendre. Il ne s’agit
pas d’un prodige gratuit, ni d’un tour de magie. Dans la culture juive, la mer
symbolise les forces du mal et de la mort. L’arbre, au contraire, évoque la vie
et la fécondité. Implanter la vie au milieu de la mort, voilà, ni plus ni
moins, ce que les disciples de Jésus sont invités à faire. Ne jamais se
résoudre à penser que la foi en Dieu trouvera une limite dans son possible,
dans son ouverture à l’espérance. Même un grain de foi suffit à opérer des
merveilles. Ce n’est pas une foi théorique. J’ai déjà été souvent impressionné,
comme prêtre, par la foi de nombreuses personnes. A côté, ma foi me paraissait
petite et bien faible. Je me console en constatant que les apôtres eux-mêmes
ont fait une pareille expérience, sinon ils n’auraient pas demandé à
Jésus : « Augmente en nous la foi ! ».
Qu’est-ce donc que la foi ? Je crois qu’elle avant tout une affaire de confiance. Confiance en Dieu. On dit aussi : « avoir foi en quelqu’un ». Mettre sa confiance en Dieu, c’est tout baser sur le fait qu’Il nous a bien pensés. La foi est mise à l’épreuve quand nous rencontrons de graves difficultés. Est-ce que je me fie encore à Dieu, même si je me révolte contre lui : pourquoi permets-tu cette souffrance ? Ce sont des moments où on se dit : « fortifie ma foi », aide-moi à te faire confiance, même si c’est incompréhensible. Me reviennent à l’esprit bien des situations, souvent dramatiques, souvent des funérailles, où des tout-proches m’ont impressionné par leur dignité, par la foi qu’ils me disaient si essentielle pour eux en ces moments, alors que beaucoup autour étaient effondrés. J’ai été marqué aussi par le témoignage publié dans la presse et sur les réseaux sociaux cette semaine du couple âgé et d’une des religieuses qui ont été témoins de l’assassinant du Père Hamel en juillet dernier. Quelle foi, simple, profonde, mais à renverser des montages !
Evidemment, en ces
jours, nous ne pouvons passer sous silence en Alsace la tragédie qui secoue
notre diocèse, parce qu’un prêtre, l’un des nôtres, a trahi la confiance la
plus fondamentale qui soit, celle d’une mineure, liant à ses agissement
d’autres, d’un autre ordre, mais profondément choquants pour la confiance
qu’avait placée en lui une communauté paroissiale. Là encore, il nous faut
demander cette foi : pour ne pas nous résoudre à penser qu’on ne peut plus
faire confiance, pour résister à la tentation de voir partout la corruption, la
négation de l’Evangile. Là encore, il nous faut demander pour nous tous, pour
les prêtres que nous sommes, que le Seigneur augmente en nous la foi.
Dans l’histoire qui
clôt l’évangile de ce jour, le service apparaît comme le révélateur de la foi.
Le Christ lui-même proclame qu’il n’est pas venu pour être servi, mais pour
servir (Mt 20, 28). Combien plus ses disciples, parce qu’ils ne sont pas
au-dessus de leur Maître. Servir, c’est essence de la vocation chrétienne, il
n’y a pas à en attendre une reconnaissance, une gratification particulière. Au
début de cette année pastorale, demandons ensemble au Seigneur qu’Il nous
affermisse dans la foi pour que nous ne doutions jamais de Lui. Mettons-nous
les uns les autres en tenue de service, sans attendre de retour. « Nous ne
sommes de simples serviteurs », nous ne faisons que notre devoir. Le reste
appartient à Dieu.
Michel Steinmetz †
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