L'évangile et aujourd’hui en opposition deux
prières : celle du pharisien, qui se dit juste, et celle du publicain, qui s’avoue
pécheur. Les pharisiens sont les héritiers de juifs courageux, qui ont animé l’héroïque
résistance durant la persécution païenne au temps des Maccabées, deux siècles
avant le Christ ! Au temps de Jésus, ils représentent sans conteste ce qu’Israël
compte de plus pur et de plus noble. Cette fidélité aux traditions des anciens
leur vaut la faveur et l’estime de beaucoup. Les publicains, au contraire, sont
l’image de la déchéance morale et de l’impureté religieuse. Chargés de
percevoir taxes et impôts, ils devaient verser d’avance au fisc une somme
déterminée, qu’ils avaient ensuite à récupérer, augmentée bien sûr d’un intérêt
personnel laissé à leur libre appréciation, en extorquant le plus possible le
malheureux contribuable. Ces percepteurs étaient directement au service de l’occupant
romain.
On a peine à imaginer quel a pu être
l’étonnement de l’auditoire de Jésus quand ce dernier énonce la sentence finale
de la parabole : c’est le publicain qui fait partie de la catégorie des
pécheurs qui a reçu un accueil favorable par Dieu et non pas le pharisien qui
appartient à la catégorie des justes. Une telle conclusion de la parabole
ressemble à une provocation de la part de Jésus, ou plutôt il s’agit d’une
invitation vigoureuse à un renversement des valeurs qui ont cours en son temps
comme au nôtre : le juste n’est pas forcément celui qui paraît l’être et mieux
encore Dieu n’est pas Celui qu’on se représente souvent trop humainement.
Le pharisien pieux et zélé de la parabole de
Jésus aurait toutes les raisons de remercier Dieu pour toutes les chances de sa
vie. Au lieu de cela, il méprise ceux qui ne sont pas aussi pieux que lui. Pire
encore, il les condamne, il leur jette la pierre. Et Jésus affirme alors très
clairement que toutes ses pieuses actions sont sans valeur, qu’elles sont le
contraire de la piété véritable. Le portrait que brosse Jésus du publicain est
tout à fait différent : cet homme sait qu’il y a beaucoup de choses dans
sa vie qui ne vont pas, qu’il fait beaucoup de choses de travers. Il se tient
devant Dieu vraiment comme un pauvre pécheur et reconnaît qu’il n’y a plus que
la miséricorde de Dieu qui puisse le secourir : « Mon Dieu, aie pitié
du pécheur que je suis ! ». Pour Jésus, cet homme est celui qui est
vraiment pieux, l’autre est pour lui un hypocrite qui fait le petit saint.
Quand il était encore archevêque de Buenos
Aires, le pape François avait publié un livre dont le titre était
évocateur : A propos de
l’auto-accusation. Et depuis qu’il est pape, il ne cesse de répéter que
l’on ait énormément de torts aux autres en disant du mal d’eux. Dire du mal des
autres est comme le cancer de toute une communauté. Les suspicions, les
méfiances, les messes basses, les racontars, les ragots, les commérages, les
erreurs des autres qu’on invente ou qu’on colporte avec délectation, la caution
qu’on apporte souvent à ce genre de lynchage collectif des autres : tout
cela empoisonne l’atmosphère, ne corrige les fautes de personnes et sème la
discorde. Il est rare qu’on attire l’attention de quelqu’un sur ses erreurs, on
préfère bien s’en gausser derrière son dos. Contre ce cancer, il n’y a qu’un remède. Jésus
nous l’indique avec l’histoire de ces deux hommes dans le Temple. N’accuse pas
les autres, frappe-toi la poitrine. Accuses tes propres fautes et péchés, et tu
trouveras un Dieu de miséricorde et de pitié, et tu seras toi-même plein de
pitié à l’égard des autres et des faiblesses des autres.
Observons-nous nous-mêmes, si vous le voulez
bien. Comme nous disons facilement de quelqu’un qu’il est un criminel, au lieu
de dire qu’il a commis un crime ! Mais l’être humain vaut toujours plus
que sa faute. Il y a toujours quelque chose de bon en l’autre, même si nous
avons parfois l’impression de nous transformer en Sherlock Holmes de la bonté
pour le trouver… De même il y a aussi du
bon et du mauvais qui cohabitent en moi. Remercions Dieu pour le bon, et
implorons son pardon pour ce qui est mauvais. N’en profitons pour condamner
l’autre !
AMEN.
Michel Steinmetz †
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