Pour nous, aspirer à la sainteté ne signifie peut-être pas principalement rechercher
la miséricorde, la pureté de cœur, la paix, et moins encore la persécution,
l’insulte ou la calomnie. Nous voyons plutôt la sainteté comme la récompense
des efforts fournis et une prime à la perfection morale, qui puissent être
authentifiées par une canonisation arrachée de haute lutte. Cette sainteté
serait donc forcément réservée à quelques spécimens assez rares de l’espèce
humaine mais ne saurait concerner le plus grand nombre dans sa médiocrité, ni
nous-mêmes. La sainteté selon Dieu consiste plutôt à accueillir la plénitude de
sa bénédiction. C’est ce qu’Il annonçait déjà dans le Livre du Lévitique quand
Il appelait le Peuple d’Israël à vivre dans la sainteté, à être saint parce que
Lui est saint (Lv 19, 2). Le fondement de la sainteté du peuple de Dieu, comme
celui de la sainteté des disciples du Christ, n’est pas notre fabrication
morale, mais la fécondité et la fructification de la sainteté de Dieu à travers
l’histoire des hommes.
Ceci nous permet de comprendre que cette sainteté n’apparait pas à l’œil nu, et
qu’elle ne sera visible qu’une fois arrivée à sa maturité et à son achèvement.
La sainteté de Dieu est mystérieusement inscrite en nous, dans notre
personnalité, notre liberté et notre cœur par le don qu’Il nous a fait en nous
appelant au baptême. Par l’onction d’eau et d’Esprit-Saint, nous sommes marqués
au front pour devenir les élus du Seigneur. « Enfants de Dieu, nous le sommes
déjà » comme nous le dit la première épitre de Jean (1 Jn 3, 1). « Mais ce que
nous sommes n’apparait pas encore clairement » (1 Jn 3, 2). Cette dignité
d’enfant de Dieu, cette splendeur de la sainteté divine répandue en nos cœurs
par la puissance de l’Esprit Saint restent enfouies et cachées sous les
apparences et sous les drames de la liberté humaine et de l’histoire des
hommes. Même si cette empreinte qui marque notre existence ne trouvera sa
pleine expression qu’au terme de notre vie et à la fin de l’histoire, nous
sommes déjà un peuple de saints, encore immergés dans l’histoire de l’humanité,
qui est une histoire de péchés, de grâces et de réconciliations.
Aussi quand nous célébrons la fête de tous les saints, nous ne faisons pas la
promotion anonyme de quelques saints inconnus. Plus profondément, nous faisons
un acte de foi et d’espérance qui concerne notre propre existence. Nous
affirmons que la sainteté de Dieu construit la sainteté de son peuple et qu’à
travers la liberté des hommes et des femmes que le Père appelle à la sainteté,
il leur donne les moyens de devenir saints pourvu qu’ils se laissent conduire
sur les chemins de l’amour et ne s’approprient pas la capacité d’atteindre la
perfection sans son secours.
Ce soir, nous rendons grâce pour cette multitude d’hommes et de femmes que nous ne
connaîtrons qu’à la fin des temps, pour cette multitude d’enfants de Dieu,
bénis et sanctifiés par Dieu, pour ceux qui ont accueillis cette sainteté et
cette bénédiction à travers les combats quotidiens de la liberté humaine pour
choisir ce qui est bon pour l’homme et refuser ce qui est mauvais. Dans
l’espérance que s’accomplisse pour nous la promesse de Dieu qui a fait de nous
ses enfants, nous sommes aujourd’hui dans la joie de ceux qui en vivent déjà.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire