"Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent".
Nous avons sans doute un peu de mal à entendre cette phrase du Magnificat
depuis le début de l’été : après coup sur coup l’attentat de Nice le 14
juillet au soir, les attaques en Bavière la semaine qui ont suivi, l’assassinat
du Père Jacques Hamel le 26 juillet au matin à coté de Rouen. Est-ce là la
miséricorde de Dieu, celle que nous voulons célébrer tout au long de l’année
sainte ? Pouvons-nous encore faire miséricorde et tenir nos cœurs grands
ouverts ?
Nous ne pourrions donc pas faire confiance aux dires de la Vierge Marie,
ni reprendre jour après jour sa propre prière. Elle ne serait donc pas
vraie ? Qu’un peu de fumée pour nous attendrir et nous faire supporter
sans trop broncher que ce monde passe ? Vous sentez bien, avec moi, que
cela n’est pas tenable. Alors comment croire en cette miséricorde ? Elle
qui est le nom même du Dieu des chrétiens, et dit-on, celui aussi du Dieu de
l’Islam ? Est-ce finalement le même Dieu ? Ou plutôt quelles
considérations, quelles anthropomorphismes les uns et les autres appliquent-ils
à leur Dieu ?
Nous chrétiens, nous savons que le Dieu de l’Alliance, Celui qui désire
sans cesse que son peuple soit près de Lui, se révèle parfaitement en Jésus. Il
prend un visage d’homme pour qu’en Lui l’humanité vive son assomption, qu’elle
sorte de l’engrenage mortifère de la violence et de la recherche du pouvoir.
Car dans ce que nous avons vécu, il s’agit bien de cela : un Dieu qui est
perverti, abusé pour servir de prétexte et de caution à des hommes qui veulent imposer
leurs idéologies, leurs manières de vivre et d’exister au mépris du droit le
plus fondamental : respecter l’autre pour ce qu’il est. L’annonce de
l’Evangile, quant à elle, ne repose jamais sur la force. Elle passe par un
témoignage de vie qui fait résonner ce que nous proclamons. Frères et sœurs, je
vous le demande : comment vivons-nous et que proclamons-nous ? Ne
sommes-nous pas devenus des cymbales retentissantes, des cuivres qui résonnent,
bref du vent ? A regarder nos sociétés si sécularisées, si laïcardes,
inspirons-nous encore une quelconque crédibilité ? Vous revendiquez les
racines chrétiennes de notre pays ou de notre Europe, vous voulez défendre les
valeurs de l’Evangile ? C’est bien. Mais qu’en avez-vous fait en
attendant ? Au mieux, vous avez enfermé le bon Dieu sous une belle cloche
bien hermétique pour ne surtout plus l’entendre et vous le montrez désormais à
vos enfants ou petits-enfants comme une pièce, fût-elle d’exception, de notre
musée commun.
La Vierge Marie, elle que nous fêtons aujourd’hui, a proclamé les
merveilles de Dieu et sa libéralité pour les générations à venir. Si, pourtant,
elle n’avait fait que cela, personne aujourd’hui ne s’appuierait plus sur son Magnificat
pour être soutenu dans sa vie croyante. Marie a vécu ce qu’elle a proclamé.
Toute sa vie a été une résonnance de sa foi. De la Visitation à l’Annonciation,
de la Nativité à la Croix, de la Résurrection à la Pentecôte. La Jérusalem
céleste dont elle est devenue pour nous à la fois l’annonce et le symbole n’a
pas été une chimère. Ce monde nouveau du Royaume de Dieu, elle l’a contemplé
avant d’y entrer la première à la suite du Christ ressuscité, nous montrant
désormais la seule voie possible pour notre salut. Ce salut, c’est celui de
chacun de nous, c’est celui de notre monde.
Pourquoi alors être si timoré quand il s’agit de nous affirmer croyants,
disciples du Christ, vrai Fils de Dieu et notre Sauveur ? Pourquoi ne pas
donner à voir ce que l’Evangile sait produire de plus beau, ce qui a façonné
nos sociétés au long des siècles ?
La miséricorde du Seigneur s’étend d’âge en âge pour les hommes et les
femmes de bonne volonté. N’ayons pas peur de nous y abandonner dans le refus de
la violence, de la vengeance, mais avec détermination et courage. Frères et
sœurs, restons fidèles au Seigneur, qui élève les humbles et comble de bien les
affamés. Nous ne savons pas si cette fidélité nous conduira devant un autel à
la fin d’une messe pour y être mis à genoux comme le Père Jacques Hamel.
Commençons par la vivre dans chaque instant que le Seigneur nous donne. La
Vierge Marie, elle que nous invoquons comme Notre-Dame et notre refuge, garde
nos pas et nous montre le chemin du Ciel.
AMEN.
Michel Steinmetz †
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