Le mot « Samaritain »
a une bonne connotation. D’ailleurs, combien de fois n’est-il pas employé dans
la langue française pour désigner une personne qui fait le bien, qui est
serviable, qui se dépense au service de son prochain. On dit d’elle qu’elle est
un « bon Samaritain ». Celui que Jésus cite dans l’Evangile et qui a
porté secours au malheureux était un Samaritain : il a manifesté de la
pitié et de la compassion, en ne se détournant pas, comme les autres, du
blessé. C’est la raison pour laquelle ce terme a si bonne réputation.
Combien de fois ne
fait-on pas appel à cette page de l’Evangile, ou à la figure tutélaire de ce
bon Samaritain, pour désigner l’action caritative en Eglise ? Il est d’ailleurs
curieux que l’adjectif « bon » désigne tout à la fois cet homme de
Samarie et le « bon Pasteur », Jésus-Christ.
A l’époque cependant
où Jésus a raconté cette parabole, le terme « Samaritain » était, pour
ses auditeurs juifs presqu’un synonyme d’injure. Car les habitants de la
Samarie, située entre la Judée au sud avec pour capitale Jérusalem et la
Galilée au nord, avaient, pour les Juifs croyants, la réputation d’être des
mécréants, des hérétiques, aux pratiques religieuses douteuses. De toute façon,
ils n’avaient pas la même religion. Certes le jugement que les Samaritains
portaient sur les Juifs n’était guère plus clément. Certaines scènes de l’Evangile
l’attestent.
C’est justement un
de ces « étrangers » si mal vus, un Samaritain, que Jésus cite comme
exemple d’amour du prochain. Le plus grand de tous les commandements de Dieu
prescrit que nous devons aimer Dieu de tout notre cœur, et notre prochaine
comme nous-mêmes. Fais cela et tu vivras,
répond Jésus au spécialiste de la Loi qui lui demande ce qu’il doit faire pour
obtenir la vie éternelle.
Et qui est mon prochain ?, renvoie-t-il alors comme question à Jésus. Cette
question se pose à moi tous les jours, et pas à moi seulement, je pense. Il y a
tant de malheur dans le monde, et tant de personnes sont dans l’indigence. On
ne peut pas s’occuper de tous. Il faut choisir. Il faut opérer un discernement
dans la charité. Pour autant, tous demeurent mon prochain. Quelle est la
priorité ? La famille ou le voisin dans la misère ? Où dois-je m’investir ?
Et où dois-je dire que je laisse d’autres agir ?
Jésus ne fournit pas
de réponse théorique. Il n’expose pas de règles générales. Il raconte une
histoire très concrète, une scène de vie, comme il peut nous en arriver tous
les jours. Cette parabole a ému au point que le personnage principal, l’étranger
méprisé, est devenu le bon Samaritain compatissant.
Cette histoire
interpelle tout le monde car tout un chacun se sent concerné. Je suppose qu’il
nous est déjà arrivé à tous d’être ou le prêtre ou le lévite. On voit un
malheureux, on change de trottoir, et on poursuit son chemin. On a sans doute
de bonnes raisons de la faire la plupart du temps : pas le temps, des
rendez-vous, on est pressé ou on a peur d’être impliqué dans une situation
potentiellement dangereuse ou délicate. La réaction de cet étranger, d’une
autre religion, est d’autant plus impressionnante : il ne passe pas son
chemin, il ne se préoccupe pas du danger ni de sa peine, il vient en aide, tout
simplement. Il ne faut pas oublier de rendre grâce, aujourd’hui, dans notre
prière, pour toutes les personnes qui viennent ainsi en aide à leur prochain,
et qui font de leur vie un service.
Nous-mêmes, il nous
faut nous demander si nous avons réellement envie de la vie éternelle. Si c’est
le cas, alors, il nous faut réapprendre qu’elle n’est pas un horizon lointain
et hypothétique : celui de la rencontre, un jour, avec le Créateur. Nous
ne le découvrirons pas ce jour-là, car il saura nous rappeler que nous l’avons
croisé sans cesse : chaque fois que nous avons été proche de nos frères, c’est
de lui que nous aurons été proches.
AMEN.
Michel
Steinmetz †
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