Pourquoi n’est-il presque toujours question que des douze apôtres lorsqu’on parle des
disciples de Jésus ? Pourquoi y a –t-il si peu d’allusion au groupe de
femmes qui accompagnaient Jésus ? C’était pourtant tout à fait inhabituel,
et devait attirer l’attention. L’évangile d’aujourd’hui mentionne expressément
ces accompagnatrices de Jésus : « Les Douze l’accompagnaient, ainsi
que quelques femmes qui avaient été guéries de maladies et d’esprit
mauvais », et trois, parmi elles, sont citées par leur nom : « Marie,
appelée la Magdaléenne, de laquelle étaient sortis sept démons, Jeanne, la
femme de Chouza, intendant d’Hérode, et Suzanne ». Et ce n’est pas
tout ! Saint Luc, l’évangéliste qui nous donne le plus de renseignements
sur les femmes de l’entourage de Jésus, ajoute ceci : « et plusieurs
autres » femme. Elles furent certainement un bon nombre à être ainsi
actives autour du Seigneur, puisqu’elles l’assistaient, lui et ses compagnons,
« en prenant sur leurs ressources ».
Ce devait ainsi être tout un spectacle quand Jésus passait « à travers villes
et villages » avec toute cette troupe d’hommes et de femmes ! Une
véritable caravane ! Sur un plan pratique, je me suis déjà interrogé sur
l’attitude des proches de ses compagnons de route. Que pouvaient bien dire les
enfants des apôtres – puisque plusieurs étaient vraisemblablement mariés –
quand ils voyaient leur père ainsi quitter la maison familiale pour suivre le
Seigneur ? Quelle devait être l’attitude des maris de ces femmes, dont le
propre intendant d’Hérode, quand elle décidait de rejoindre – même pour un
temps – cette troupe et l’assister financièrement ?
Voici ce qui me frappe particulièrement chez ces femmes : elles doivent avoir
vécu avec Jésus des temps tellement forts qu’elles ont changé leur vie. Selon
Luc, Jésus les a « guéries d’esprits mauvais et de maladies ». Elles
se sont donc senties libérées de leurs chaînes, de maux physiques et
psychiques. Elles ont vécu ainsi personnellement une expérience si
impressionnante, si bouleversante, qu’elles se sont fortement attachées à lui,
qu’elles lui ont été extrêmement reconnaissantes, et disons-le franchement,
qu’elles l’ont aimé profondément. Cet amour ne les a plus quittées, elles ont
passé outre à toutes les contraintes sociales et elles ont accompagné Jésus.
Cet amour s’exprime publiquement et sans retenue dans l’histoire principale de
l’évangile de ce dimanche, celui de la « pécheresse » dans la maison
d’un pharisien. Ses gestes sont extrêmement choquants et érotiques. Elle pleure
et elle fait couler ses larmes sur les pieds de Jésus. Puis elle les essuie
avec ses cheveux, les couvre de baisers et les parfume. Et Jésus la laisse
faire. Il sait quelle réputation elle a, ce qu’elle a fait dans sa vie, voire
ce qu’elle fait encore. Elle se prostitue. Tout cela ne le gêne pas parce ce
qu’il ne voit pas en elle une prostituée, mais une femme qui sans doute
souffre, en tout cas aime. Une femme au grand cœur. Elle ose aller vers le
Seigneur parce qu’elle perçoit qu’elle ne sera pas rejetée par lui, qu’il ne
l’enfermera pas dans ce qu’elle fait, dans sa faute, ou dans ce que la société
pense d’elle. Elle ouvre son cœur car elle sait que le cœur de Jésus, plein de
miséricorde ne lui sera pas fermé. « Ses nombreux péchés lui sont remis
parce qu’elle a montré beaucoup d’amour », dit Jésus. Et il explique à son
hôte, Simon le pharisien, que « celui à qui on pardonne peu montre peu
d’amour ».
Le pardon produit l’amour. Il le rend possible. Il ouvre les cœurs. Il donne
l’allégresse. Jusqu’à transgresser les convenances sociales, à l’image de cette
femme en plein banquet. Mais l’amour peut tout. L’amour sauve. Le Seigneur nous
pardonne, le Seigneur nous ouvre son cœur. Saurons-nous ouvrir le nôtre sans
aucune réserve ?
AMEN.
Michel
Steinmetz †
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