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vendredi 4 mars 2016

Homélie du 4ème dimanche de Carême (C) - 6 mars 2016


Avec quelle impatience le benjamin de la famille attendait ce jour ! Il lui était devenu insupportable de rester plus longtemps dans cette maison : le poids du père l’étouffait. Exiger son héritage, c’était comme vouloir la mort du père. Il voulait être adulte, décider à sa guise, ne plus obéir à un maître, cesser d’obéir comme un gosse. Et il s’en alla, loin, le plus loin possible. Enfin il se sentait libre, indépendant, autonome. Avoir, posséder : c’est la toute-puissance arrachée à Dieu. Mais le pays loin de Dieu, le monde de la non-foi, conduit à des lendemains qui déchantent. Quand l’homme veut « s’éclater » comme on dit, il arrive toujours un moment de saturation, de dégoût. Lorsque la liberté devient licence, elle bascule dans l’esclavage. L’homme devient misérable, dépouillé, sans ressources. Ainsi, en quelques mots, Jésus esquisse l’horreur d’une société qui veut s’édifier sans le Père : elle promet tous les plaisirs, la fin de ce qu’elle appelle « l’aliénation religieuse », la suppression des interdits, l’épanouissement, l’explosion sans frein de la vie et elle se révèle une jungle où un jeune nanti peut assouvir ses passions en multipliant les partenaires, où un patron peut faire fortune en réduisant son personnel en esclavage. Dans ce « pays », l’homme y est un loup pour l’homme.
 
Mais quand perce la conscience du désastre, il peut commencer à penser. Aucune honte sur sa conduite, aucun remords d’avoir peiné son père. S’il envisage de rentrer, c’est parce qu’il y est forcé. En route, il se demande, anxieux, si son père l’acceptera. Ne va-t-il pas lui claquer la porte au nez, le chasser avec colère, le punir durement ? Lorsque nous avons tourné le dos à Dieu, voici que nous découvrons le Père qui se révèle dans sa tendresse infinie. Le père est certes affligé par le départ de tant de ses enfants mais il ne les ramène pas de force. Comme dit Péguy, Dieu ne veut pas « des prosternements d’esclaves ». Et s’il n’exige pas « la contrition parfaite », il faut au moins que l’homme perdu bégaie un appel, manifeste un début de démarche. Mais dès qu’il le perçoit, Dieu est ému, bouleversé. Le sentiment du père n’est pas la « pitié » mais la miséricorde. Son cœur se penche vers notre misère. Le jeune murmure un début d’aveu:  « Père, j’ai péché, je me mérite plus...». A celui qui présente les blessures de ses fautes, Dieu ne peut que tendre les bras. Que son enfant soit à ce point abîmé par le péché lui est intolérable ; il le restitue dans sa beauté.
 
Mais dans l’évangile, il y a encore l’autre, l’aîné ! Il est demeuré à la maison : fidèle, droit, travailleur, bon pratiquant. Lorsqu’il apprend que le père a organisé un festin pour fêter le retour de son frère, il se met en colère et refuse d’entrer. A son père sorti à sa rencontre, il crache sa hargne. Il enrage : il s’est toujours efforcé de mener une vie obéissante, avec beaucoup de sacrifices, dans la routine des jours, et voilà que le père organise une grande célébration pour fêter le retour du débauché.
 
Le « frère aîné », c’est le brave chrétien qui a tout fait bien, le bon fidèle, le généreux donateur. Mais il a perdu une chose : la joie d’être là, « à la maison ». Il n’est pas content d’avoir la foi, elle lui est devenue une routine, une charge pour lui. Pourquoi s’efforcer à être un bon croyant ? Dieu ne partage pas nos conceptions mesquines : il n’est pas un roi qui punit ses sujets félons, ni un patron qui chasse un employé. Il est Père de façon irrémissible. L’aîné n’a pas plus compris Dieu que le benjamin : il obéissait avec une mentalité servile sans jouir de sa liberté, sans goûter le bonheur de croire et de demeurer dans la Vie. Il se coupe lui-même de l’eucharistie qui est le banquet de la joie où le Père nous convie et où le Fils se donne pour la multitude.
 
Jésus veut que tous les « grincheux frères aînés » que nous sommes se réjouissent avec Dieu du retour du fils prodigue. Lui non plus n’est pas condamné par le père. Il l’invite simplement à la joie : « Toi mon enfant, tu es toujours avec moi ! ». Comment ne serait-il pas un chrétien joyeux ?
 


AMEN. 
 


                                                 
Michel Steinmetz †

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