Jésus
s’abaisse. Il le fait consciemment en exemple qu’il nous donne afin que nous
fassions, nous aussi, comme il a fait pour nous. Il s’abaisse, c’est-à-dire
qu’il se met à notre niveau, lui, le Fils de Dieu, le Messie et qu’il accomplit
le geste du serviteur face à son maître. Comment lui, le Sauveur, Celui que la
foule acclamait il y a quelques jours quand il entrait à Jérusalem pour le
faire roi, comment donc lui, pourrait-il se prosterner devant nous ? Quel
renversement de situation ! Et comment pourrions-nous mettre notre foi en
un Dieu que nous prions comme le Tout-Puissant, Celui que nous croyons en
situation de changer le monde, et qui s’abaisse ainsi ?
Nous avions
attendu un flot de grâce, nous pensions que Dieu répandrait son Esprit comme un
torrent et qu’un royaume était en train d’advenir. Mais absolument rien ne
changera. Parmi les disciples, certains feront le récit de sa vie, les gens
écouteront un moment, étonnés, et pendant une courte période l’Eglise
apparaîtra comme posséder une nouvelle vie spirituelle, une force venue
d’en-haut. Mais déjà ce monde commence à déteindre sur elle, elle se farde avec
les couleurs du monde au gré de la mode, et certains osent lui demander ce
qu’elle a apporté de nouveau. La question est justifiée.
Le monde
nous demande de présenter des preuves. En quoi notre foi peut-elle apporter
quelque chose à la société ? Comment l’Eglise contribue-t-elle à
l’amélioration du vivre-ensemble, de la fraternité entre les peuples ? Nous
sommes enveloppés dans le péché commun à tous, pris les pieds dans le tapis du
péché. La miséricorde du Christ exposée là rend encore plus flagrant notre
faiblesse et nos manquements. Nous n’avons, frères et sœurs, d’autre
revendication, d’autre signe que celui de l’abaissement du Fils et son
commandement pour nous à faire de même. Notre seule fierté est la croix du
Christ. Nous n’avons d’autres preuves à donner que celle-là. Ici, dans cet
abaissement, fascinant et insoutenable, tout est dit. En Jésus, la faiblesse devient
une force. Elle est gage de notre relèvement. Parce que nous ne serions pas
capables de nous mettre à la hauteur d’un si grand Dieu, de son amour
inépuisable, Il consent à se mettre à notre hauteur. La table de son
eucharistie est si haute, si digne qu’il nous serait impossible de saisir le
pain et le vin disposés là. Alors la table est mise à portée de main. Dieu se
laisse saisir.
Quand Jésus
s’abaisse pour nous laver les pieds, il se met à notre niveau et rend possible
la rencontre. Car il n’y a de rencontre possible que dans le chemin vers
l’autre, le chemin qui permet à l’autre d’exister et de se livrer. En nous
donnant ce geste comme testament spirituel, en même que la consigne de rompre
le pain et prononcer la bénédiction sur la coupe, il nous indique une voie.
C’est celle que nous voulons emprunter avec Lui ce soir. Notre communion avec
Lui passe dans celle, exigeante et âpre, avec les frères et sœurs que nous
sommes. Avons-nous réellement conscience de ce lien de famille qui nous
unit ? De cette communauté de destin que nous formons ? Nous sommes
solidaires les uns des autres parce que le Christ passe au milieu de nous pour
abolir toutes les distances, sociales, professionnelles, ethniques, raciales,
que ce monde voudrait instaurer entre nous comme des murs.
Sa
proximité, Lui qui se donne en nourriture, sera le seul et l’indispensable
témoignage que nous pourrons Lui rendre. Ce témoignage suscitera l’étonnement,
la suspicion, le rejet et parfois la haine. Commet ces chrétiens pourraient-ils
oser prétendre être le levain dans la pâte du monde ? Frères et sœurs,
nous serons hypocrites si nous cherchons ce ferment ailleurs que dans le croix
du Seigneur qui se profile au sommet du Golgotha. Dites à ceux qui vous
entourent, y compris les plus proches qui ne partagent peut-être pas notre foi,
que Dieu en son Fils s’abaisse devant nous pour nous relever en Lui.
AMEN.
Michel
STEINMETZ †
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