Tous les récits de la résurrection nous montrent
ceci : en fait ce qu’on croit, ce n’est pas ce qu’on voit, mais autre
chose. Quand Jean et Pierre courent au tombeau, Jean raconte qu’il arrive le
premier et voit le tombeau vide avec les bandelettes et le linceul plié. Il dit
qu’« il a vu et qu’il a cru ». Mais qu’a-t-il vu : un sépulcre
vide. Qu’a-t-il cru : que Jésus est vivant (or il ne l’a pas vu). Le récit
de ce jour dit que Jésus, huit jours après Pâques, présente à Thomas ses plaies
à toucher, mais Thomas ne dit pas : bonjour Jésus, heureux de te revoir,
mais « mon Seigneur et mon Dieu », il croit Dieu. La foi dépasse ce
qu’on voit ou entend ; elle est d’un autre ordre. Quand on voit quelque
chose, c’est une évidence, ce n’est pas la foi (c’est pourquoi la foi disparaît
dans la vie éternelle). En fait ce que nous voyons peuvent être des signes qui
nous donnent des indications ; et la foi nous invite à pénétrer et à
croire ce qu’il y a derrière ces signes. Ainsi Marie reconnaît Jésus quand le
jardinier l’appelle par son nom : elle reconnaît sa voix. Les disciples d’Emmaüs reconnaissent Jésus
vivant quand ils voient cet étranger rompre le pain et le partager : ils
reconnaissent un geste fait par le Christ avant sa mort.
Tout cela c’est très bien, mais aujourd’hui ? A
qui, ou à quoi se fier pour croire ? Tout simplement à nous à qui le
Seigneur a confié la même mission qu’il avait lui-même reçue de son Père :
« De même que le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie ». Lui parti,
c’est à nous de continuer cette mission au sein de son Eglise. Et pour cela il
nous donne son esprit qui est l’Esprit de Dieu. C’est extraordinaire :
voilà que nous, son Eglise, communauté des croyants, nous avons pour mission d’aider
les hommes et les femmes de notre époque à croire. C’est nous qu’ils voient,
mais c’est en Jésus, envoyé du Père, qu’ils sont appelés à croire.
Nous pouvons dès lors mieux comprendre l’importance de
la première lecture qui nous décrit, avec quelque idéalisme certes, la première
communauté chrétienne. C’est à la vue de cette communauté, nous disent les
Actes des Apôtres, « que chaque jour ceux qui étaient appelés au salut
entraient dans la communauté des croyants » et donc, à leur tour,
croyaient. De la même façon que Jésus invite à croire qu’il est vivant en se
manifestant à travers d’autres personnes. Pour nous, la connaissance de la
parole du Christ, notre fidélité à cette parole, notre assiduité à
l’eucharistie et à la vie de prière, aideront les gens à voir ce que nous
sommes et à croire à travers nous au Dieu de Jésus-Christ, vivant ; à
recevoir ainsi le salut proposé par Dieu dans la foi.
Au tombeau les gardes ont vu la même chose que Jean,
Pierre et les femmes, mais ils n’ont pas cru ! Pourquoi ? Quelle est
l’expérience qui permet de croire ? Je pense que c’est l’accompagnement
quotidien de Jésus et l’amitié qui en naît qui ouvre les yeux et rend
disponible au don de la foi, en nous donnant un regard autre. Autour de nous,
le Christ ressuscité pourra être discerné grâce aux attitudes d’hommes ou de
femmes qui manifesteront par leurs gestes et paroles la présence vivante de
Jésus en eux, et dans la communauté que nous sommes. Telle est notre
mission : permettre au Christ ressuscité de se rendre visible. Le corps du
Christ que Thomas voulait toucher, c’est aujourd’hui le corps de notre
communauté qu’on peut voir et toucher et qui aidera d’autres personnes à croire
non pas nous, mais celui dont nous vivons : Jésus ressuscité, fils de
Dieu.
Nous avons vu le Seigneur », tel était le cri
d’émerveillement des disciples. Tel devrait être le cri d’émerveillement de
tous ceux qui, de nos jours, regardent de l’extérieur les assemblées de
chrétiens. Et certes, si nous correspondions à l’image qu’en suggère l’épître
de Jean ou les Actes, tous les Thomas parmi nos contemporains verraient alors
de leurs propres yeux la fécondité de la victoire du Christ sur le mal. La
question est lancée à nos communautés comme un défi : que donnons-nous à voir ?
Michel
Steinmetz †
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