Avec la résurrection
de Lazare, la catéchèse qui conduit au baptême trouve son épanouissement et son
achèvement. Dans son dialogue avec la Samaritaine, Jésus annonce l’eau vive qui
jaillira en source de vie éternelle du cœur des croyants comme elle jaillira du
cœur transpercé du Christ sur la croix. Dans la guérison de l’aveugle né, Jésus
se désigne lui-même comme la lumière du monde, celui qui apporte l’espérance
dans la nuit de l’humanité. Par la résurrection de Lazare, il se manifeste
comme le maître de la vie et de la mort : « Je suis la résurrection et la vie,
celui qui croit en moi ne mourra pas ». C’est la figure de ce Sauveur, source
d’eau vive, lumière du monde, vie et résurrection qui est proposée à celles et
à ceux qui s’acheminent vers le baptême qu’ils recevront au cours de la vigile
pascale et à nous, déjà baptisés, pour revenir aux sources de la vie que nous
avons reçue dans le baptême.
Ici, c’est le
septième et dernier signe accompli par Jésus que rapporte saint Jean. Il ne
s’agit pas du pouvoir de Jésus de changer l’eau en vin mais de sa capacité de
transformer la mort en vie. Jésus s’est réfugié avec ses disciples au-delà du
Jourdain par crainte des Juifs et la famille de Lazare habite Béthanie, à
quelques kilomètres de Jérusalem derrière le Mont des Oliviers. L’espace est
divisé en deux par le Jourdain : l’orient et l’occident. L’orient où se trouve
Jésus, dans la lumière, l’occident à Béthanie avec son cortège de ténèbres: la
mort et la haine des Juifs. Le texte comporte une vingtaine de verbes de
mouvement qui indique moins un déplacement dans l’espace qu’une mutation dans
les esprits. Tout le monde quitte l’endroit où il se trouve. Les messagers
d’abord puis Jésus en sens inverse traversent le Jourdain. Marthe comme Marie
vont à la rencontre de Jésus. Lazare sort de son tombeau. Et les Juifs hostiles
partiront à Jérusalem. Le symbole des quatre jours atteste à la fois la réalité
de la mort de Lazare car dans la tradition rabbinique, c’est le temps qu’il
faut à l’âme pour quitter le corps après avoir tourné autour du cadavre pendant
trois jours, tant qu’il est reconnaissable. C’est aussi le jour de YHWH, celui
où il intervient quand les hommes ne peuvent plus pour leur salut.
Dieu, notre Dieu,
n’est pas le Dieu des morts, il est le Dieu des vivants. Dieu ouvre les
tombeaux. Il arrache l’homme au pouvoir de la mort pour l’aspirer dans le règne
de la vie. Il ne veut pas que l’homme soit anéanti, ni par la violence, ni par
le mépris, ni par le mal, ni par le péché. Ce qu’il veut pour nous, c’est nous
faire sortir du tombeau, non pas pour quelques mois ou quelques années, comme
ce fut le cas pour Lazare, mais pour toujours. Comme il appelle Lazare à sortir
du tombeau, comme il le fait apparaître encore empêtré des bandelettes qui
entourent son corps, il appelle l’humanité à sortir de l’ombre de la mort pour
resplendir de la lumière de la vie. Comme Lazare, nous n’avons pas encore
récupéré toutes nos capacités ; comme Lazare, nous sommes encore empêtrés dans
les liens anciens qui sont liés à notre mort ; comme Lazare, nos membres sont
encore attachés par des bandelettes et notre visage recouvert, mais comme pour
Lazare, Jésus dit : « Déliez-le, libérez-le de ses liens, rendez-lui la vie ».
Le Christ veut que nous soyons déliés de tout ce qui nous rattache encore à la
mort. Comme Jésus le demande à Marthe, il nous demande aujourd’hui : « Crois-tu
? » Crois-tu que je peux te faire vivre ? Crois-tu que la puissance de mon
amour est plus forte que les liens de la mort ? Crois-tu que la délivrance
jaillie du cœur du Christ est plus vaste que les regrets, la culpabilité ou la
faute ? Crois-tu que Dieu est plus grand que ton cœur ? Crois-tu qu’il peut te
relever ? Crois-tu qu’il peut t’appeler et te dire : « Sors » ? Crois-tu que tu
peux sortir ?
Cette question de la
foi est évidemment la question centrale du baptême. Au cours de la Vigile
pascale : nous devrons renouveler la profession de foi de notre baptême au Dieu
Trinité. En ces derniers jours de préparation à la célébration de la fête de la
Résurrection, telle est la question de confiance qui nous est posée par Dieu et
par les hommes sur notre avenir : qu’allons-nous devenir ? Allons-nous devenir
des morts ? Ou la foi nous introduit-elle pour toujours dans la vie ?
AMEN.
Michel
STEINMETZ †
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