Le Samedi-saint est le jour du grand silence, celui
où toute l’Eglise est dans l’attente. Elle retient son souffle. Déjà la joie,
empreinte de ses plus beaux atours, celle de l’espérance chrétienne, tend à
grandir. Le Christ est descendu aux enfers pour y arracher ceux qui sont dans
l’attente. Admirables représentations anciennes qui montrent un Christ brisant
la porte des enfers et qui tend la main à Adam pour l’en extraire.
Voici que le jour a baissé. La nuit s’est installée.
Au cœur de l’obscurité, un feu, et surtout une flamme, celle dont on allume le
cierge pascal. Lumen Christ ! Lumière
du Christ ! Le cortège s’ébranle. Le passage est, cette fois, celui de la
Pâque. Le Messie qu’on voulait couronner à la manière des hommes a été couronné
d’épines et recouvert de la pourpre du sang. Il est mort ; il est vivant.
« Le maître de la Vie mourut ; vivant, il règne » (Séquence du
jour de Pâques, Victimae paschali laudes).
« Bienheureuse faute qui nous valut un tel Rédempteur » (Exultet de la nuit pascale),
chantions-nous après être entrés dans l’église, en suivant non plus la croix,
comme au jour des Rameaux et de l’entrée à Jérusalem, mais à la lueur du cierge
pascal. Notre église, dont nous franchissions le seuil ainsi éclairés par cette
lumière du Christ, devenait l’annonce pour nous de la Jérusalem céleste, du
paradis retrouvé.
« Maintenant, Seigneur,
nous voyons resplendir tes merveilles d’autrefois… » (cf. oraison qui suit la
troisième lecture de la Vigile) : si les fidèles lisent dans l’Ancien
Testament les événements du salut comme nous avons pu le faire en voyageant
dans l’Ecriture avec les sept lectures, c’est qu’ils vont les voir s’accomplir
dans les rites du baptême, après la liturgie de la Parole. Désormais à
l’annonce de la Résurrection, après avoir cheminé au cœur de la Vigile, dans
l’écoute attentive de la Parole de Dieu et retracé l’itinéraire croyant du
peuple de l’attente, les baptisés chantent : alléluia ! Ils savent que l’eau de leur baptême les a plongés
dans la mort et la résurrection de Jésus. Les catéchumènes avec lesquels ils
ont cheminé jusqu’au baptême durant le Carême leur rappelle que sans cesse ils
ont à revenir à la source vive du salut. Vous avez été pour nous, Sophia, ce
salutaire aiguillon. Ce soir, la communauté chrétienne vous accueille dans la
dignité des enfants de Dieu, comme vous avez été le signe, pour elle, de la
grâce et de la joie retrouvée d’être baptisé.
« Je crois ». Nous allons nous réapproprier
la foi de l’Eglise qui nous fait vivre. Dans l’eucharistie, nous recevrons la
chair du Christ ressuscité et nous communierons à la puissance du Ressuscité
déjà à l’œuvre en nous, par le baptême. C’est pour cela que nous avons un
besoin vital, physiologiquement spirituel, de communier. Ce n’est pas une
récompense. Elle est inscription dans le corps de l’Eglise, parce qu’elle est
inscription dans le Corps ressuscité du Christ. Nous entendrons demain à la
messe du jour de Pâques : « vous êtes ressuscités » (Colossiens 3, 1)
parce que nous avons été baptisés et que nous avons reçu l’eucharistie. C’est
l’eucharistie qui est gage de notre résurrection. Le renvoi liturgique, tout à
l’heure, sera solennel : « Allez dans la paix du Christ, alléluia,
alléluia ! » et le peuple
répondra de la même manière: « Nous rendons grâce à Dieu, alléluia,
alléluia ! ». Ainsi, par ce simple rite de l’alléluia pascal, tous
prennent conscience d’être constitués comme peuple porteur de la bonne nouvelle de la
Résurrection : à nous est désormais confiée l’annonce de la résurrection parce que
nous avons accepté durant cette semaine de suivre le Seigneur, d’aller jusqu’à
sa mort pour participer à sa résurrection.
Célébrer la liturgie de l’Église au cours de la
Semaine sainte, c’est bien plus que poser des actes rituels, c’est mettre ses
pas dans ceux de Christ. La foi se dit en paroles ; elle se dit aussi en
actes par les rites et par l’agir chrétien – la vie quotidienne de charité et
de service. C’est là que, pour nous, la Pâque va se poursuivre. C’est dans
cette attention aux frères et aux sœurs dans le besoin que nous dirons que,
vraiment, le Christ est ressuscité parce qu’il n’y a de désespoir qui ne
saurait trouver consolation dans la Pâque. Dans les jours à venir, à qui
direz-vous que vous avez pris part à cette célébration ? Pour qui
serez-vous témoins de la bonne nouvelle qui nous réjouit en cette nuit ?
AMEN.
Michel Steinmetz †
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